23 mai 2008

Un regard sur les tunisiens

Le ministère des affaires étrangères canadien met à disposition des canadiens désireux de s'installer en Tunisie pour des raisons professionnelles une sorte de code de conduite, joliment intitulé "Enjeux interculturels", où il fournit des détails sur les codes socio-culturels et professionnels à appliquer en Tunisie. Le point de vue canadien, donné par un canadien installé en Tunisie, est intéressant car il nous renvoi à notre propre image. J'ai sélectionné les meilleurs passages:

Question:
Je rencontre quelqu’un pour la première fois et je veux faire bonne impression. Quels seraient de bons sujets de discussion à aborder?

Il est préférable d’aborder le pays d’accueil comme premier sujet de discussion, en évitant toutefois les questions trop politiques et en s’abstenant de mettre en évidence nos mauvaises impressions. Les Tunisiens sont fiers de leur pays et de ses origines. Vous pouvez aussi parler du Canada, ce qui risque d’intéresser vos interlocuteurs. Les Tunisiens sont de grands voyageurs et il n’est pas rare qu’ils aient une bonne connaissance du pays. La discussion s’enchaîne tout naturellement sur ce qui unit les deux pays ou ce qui les différencient. Quoique la famille et les enfants fassent partie des valeurs premières, les Tunisiens n’épiloguent pas trop sur leur situation familiale. A cet égard, après avoir simplement introduit le sujet, il vaut mieux se laisser guider par votre interlocuteur et ne pas trop insister sur cette question s’il ne poursuit pas dans cette direction.

Le travail peut être un autre sujet à aborder (pas comme sujet d’introduction pourtant). Selon le contexte, il ne faut pas trop insister auprès d’un subalterne sur la nature de son travail s’il est en présence de son supérieur ou s’il sait que vous avez des contacts avec son supérieur. Mieux vaut lui en laisser l’initiative et ne pas insister s’il n’élabore pas trop sur ce sujet.

Il faut éviter les questions de politique interne. Ce n’est pas que le Tunisien n’ait pas d’opinion sur le sujet, mais il la réserve pour lui-même. De plus, il ne serait pas apprécié d’avancer des interprétations ou des jugements sur le système politique sans en connaître tous les fondements. D’ailleurs, pour tout sujet touchant la politique interne ou le monde arabe en général, il faut connaître son interlocuteur et il vaut mieux ne pas déborder du cadre général.

Il faut aborder délicatement les questions politiques touchant le monde arabe en général. Le Tunisien aime bien se différencier du monde arabe, tout en insistant sur son appartenance et sa solidarité. Le Tunisien est, en parole, fort sympathique à la cause palestinienne et il pourrait insister pour discuter de la situation des Palestiniens, mais il est recommandé de s’en tenir aux généralités, peu importe l’insistance de son interlocuteur.

Sujets à éviter : Les États-Unis, d’une part, et le radicalisme islamique, d’autre part. Les États-Unis sont fort impopulaires, tout comme le radicalisme islamique. Par ailleurs, le Tunisien est très tolérant en général.

Peut-on faire preuve d’humour? Absolument! Mais il faut prendre la peine de connaître (et reconnaître) le sens de l’humour du Tunisien. Autant commencer par des sujets faciles : La neige au Canada et la façon de conduire des Tunisiens.

Question:
Que dois-je savoir à propos des communications verbales et non-verbales?

La distance acceptable à prendre lorsqu’on parle à quelqu’un : Il est tout à fait acceptable de se tenir à une distance d’un bras. Cela est particulièrement vrai entre les hommes et les femmes.

L’importance d’établir un contact visuel (ou non) : C’est important certes, mais le Tunisien cache bien son jeu. S’il baisse les yeux ou évite le contact visuel, cela ne veut pas dire qu’il n’est pas digne de confiance ou qu’il est fuyant. Cela peut démontrer sa difficulté à aborder une question trop délicate pour lui ou pour laquelle il n’a pas à manifester d’opinion dans le contexte où cela lui est présenté. Même si la femme tunisienne est « très libérée », dans le contexte arabe, la culture et le contexte social tunisien fait en sorte qu’un étranger ne doit pas chercher à établir un contact visuel avec elle si elle le fuit. Cela est particulièrement évident si elle est voilée.

Le toucher, lorsqu’on parle à des gens, est tout à fait acceptable entre personnes du même sexe, surtout entre hommes pour marquer un accord manifeste. Prendre l’autre momentanément par la main est très courant, tout comme l’est l’accolade entre deux personnes du même sexe.

On se serre toujours la main au début et à la fin d’une conversation. À cet égard, le Tunisien le fait spontanément comme introduction à n’importe quel type de discussion. Cela peut aussi se faire avec un subalterne qui amène l’eau dans une pièce où les gens sont en réunion. Il pourrait faire le tour, serrer la main de tous et les saluer, ensuite, il servira l’eau.

Ne pas hésiter à prendre l’initiative de serrer la main; c’est apprécié. Aussi, il faut absolument le faire lorsqu’on est intercepté par un policier par exemple, il insistera de toute façon pour vous serrer la main avant toute autre chose.

Question:
Les démonstrations d'affection, de colère ou d'autres émotions sont-elles acceptables en public?

Le Tunisien est une personne très émotive. Il manifeste beaucoup ses émotions de surprise et même de colère (surtout si une autre voiture a heurté la sienne, ce qui est pratique courante!!!).

Il n’est absolument pas rare que deux personnes du même sexe qui se connaissent s’embrassent sur la joue lorsqu’elles se croisent et se donnent ensuite une accolade chaleureuse. Cela est tout à fait normal et accepté comme geste d’amitié. Parfois, les adolescents et les jeunes adultes marcheront la main dans la main ou en s’enlaçant par la taille, simplement par amitié, sans autre arrière pensée.

Le Tunisien s’abstiendra de pareil geste avec un étranger, par respect et déférence pour lui, sachant que ce n’est pas la coutume dans sa société. Toutefois, si un lien d’amitié s’est installé avec l’étranger, il l’embrassera sur la joue spontanément lorsqu’il le retrouvera après un certain temps, oubliant ainsi sa réserve.

Entre personnes de sexe opposé, il y a peu de contact. Si un homme et une femme marchent main dans la main ou en se tenant par la taille, c’est qu’un fort lien sentimental les unit ou qu’ils sont mariés. À l’exception de certains lieux publics très précis où l’étranger est également très présent (ex : lieu touristique), on ne s’embrasse pas sur la bouche

Question:
Que dois-je savoir à propos du milieu de travail (la tenue vestimentaire, les délais, la formalité, etc.)?

Sur la façon de se vêtir pour le travail? À la canadienne, notamment dans les contacts avec l’entreprise privée. Pour l’administration, cravate et veston sont de rigueur pour les hommes. Pour les femmes, tenue toujours sobre et très réservée; il est recommandé d’éviter les robes ou jupes trop courtes (haut du genoux) ou moulantes ou les chandails qui découvrent trop le cou!!!

La politesse est de rigueur. Le Tunisien emploie facilement le ton familier (prénom, tutoiement) et ne fait pas souvent de distinction entre le « vous » et le « tu ». Il est préférable de vous laisser guider par vos habitudes canadiennes. Le Tunisien utilise indifféremment le prénom ou le nom (mais très rarement les deux ensemble), qu’il fait précéder de M. ou Mme.

On vous fera très vite observer que le rythme méditerranéen est une excellente chose! Mais ce rythme s’accommode mal avec le rythme nord américain. C’est à l’étranger de gérer l’écart car le Tunisien conservera le rythme du pays. La ponctualité n’est pas de rigueur, le Tunisien est souvent en retard et ne s’en formalise aucunement.

L’absentéisme pour maladie est très courant... Le niveau de productivité n’est pas nécessairement lié au niveau d’ « activité » observé.

Question:
Quelles sont les qualités les plus recherchées chez un supérieur/directeur local? Comment saurais-je de quelle façon mon personnel me perçoit?

Je ne saurais dire si la promotion au mérite a un sens en Tunisie. Toutefois, le directeur local aura peu de succès s’il est trop directif et autoritaire, même si cela est le trait de beaucoup de directeurs et est la cause d’une rotation importante dans le personnel.

Si le directeur est un expatrié, c’est d’abord et avant tout sur sa compétence « technique » qu’il sera évalué et respecté. Toutefois, afin de s’assurer un bon rendement il faut agir dans le sens des objectifs recherchés, tout en étant conscient que le personnel n’est pas toujours hautement motivé.

Il est difficile de savoir comment le personnel perçoit le directeur expatrié. Le Tunisien énoncera difficilement de façon directe comment il perçoit son directeur; il n’osera peut être même pas lui parler et il passera par un intermédiaire! Plus souvent qu’autrement il dira avec politesse que c’est bien et qu’il apprécie sa présence. Une bonne piste d’évaluation de la part du directeur est le degré de collaboration et le rendement des employés.

Question:
Un collègue ou un employé s’attendrait-il à avoir des privilèges spéciaux ou à recevoir une considération spéciale en raison de notre relation ou de notre amitié?

La société tunisienne est tissée par les relations interpersonnelles, les réseaux, la famille et les privilèges que cela donne. Ce qui est clair : un service en attire un autre... Ce qui est peut-être peu évident pour l’étranger, mais est clairement pour le Tunisien : Un service donné peut très facilement impliquer que l’on est prêt à en donner un autre.

1 commentaire:

medjri a dit…

c'est très pointu et précis comme rapport.
J'ai bien aimé "parlez leur de la façon de conduite des tunisiens pour faire de l'humour". C'est vrai, ça a de l'effet tout de suite! :D