25 février 2009

Tout sauf le retour au pays..


Dans le monde perpétuellement mauve et enchanté des médias tunisiens, la mission envoyée à Lampedusa en Italie pour "
encadrer les tunisiens à l'étranger" s'est achevée avec les habituelles félicitations, celles des migrants et du Maire de l'ïle pour notre président...bien entendu!

En réalité, ces centaines d'immigrés tunisiens sont en soufrance depuis le 28 Janvier dernier, date à laquelle la Tunisie a discrètement signé un accord avec l'Italie pour accélérer le rapatriement de 1200 d'entre eux. Les conséquences ont été violentes : Début février, une dizaine de Tunisiens ont ingurgité des lames de rasoir - un autre a tenté de se pendre. Mardi, 17 février, 300 personnes se seraient mises en grève de la faim. Le lendemain, ils rentrent en rebellion, tentent une évasion du centre de rétention, puis y mettent le feu et affrontent les forces de l'ordre italiennes provoquant 60 blessés...Le maire de Lampedusa Bernardino de Rubeis, qui s'est durement opposé à la politique menée par son pays, a son propre avis sur l'histoire : « Cette prison leur ôte toute espérance. Les renvoyer chez eux en Tunisie d’où ils se sont enfuis à la recherche d’un avenir meilleur sonne comme une condamnation à mort ».

Une chose est sûre, j'ai rarement vu des tunisiens aussi désespérés pour en arriver à risquer leur vie à plusieurs reprises. Qu'est ce qui les rend aussi déterminés à fuire leur propre pays? La prison? Je ne pense pas que 6 mois de prison puissent effrayer à ce point des gens qui ont traversé 130 km de mer en barque...Ils ont peur de la honte du retour, du rejet de la société qui s'en suivera, de retrouver la même misère qu'ils ont fuit, et de l'absence d'encadrement et de soutien pour une réinsertion dans la société qu'ils ont quitté. Ces gens sont condamnés dès qu'ils montent dans leur embarquation : au mieux, à une vie de clandestin travaillant au noir et vivant dans la précarité dans les villes européennes. Au pire, au retour à la case départ, avec beaucoup de souffrances en plus dans leurs baguages...

Photo Reuters.

17 février 2009

L'urgence de rétablir le modèle social tunisien


"L'éducation pour tous" comme ascenseur social qui associe activement les femmes en les émancipant; et un développement économique équilibré entre les régions du pays : tel est le modèle social tunisien tel qu'il a toujours été appliqué et tel qu'on nous l'a toujours appris. Tous les journaux tunisiens ne cessent de nous le rappeler…

Aujourd'hui, ce modèle ne fonctionne plus.

L'ascenseur social est en panne : le chômage ou la précarité de l'emploi à la fin des études font que l'éducation ne représente plus le moyen privilégié pour la promotion sociale. Environ 100 000 tunisiens diplômés du supérieur sont au chômage. Et quand l'ascenseur est en panne, on prend généralement les escaliers : la corruption, la débrouille, ou bien l'immigration, sont les voix empruntées par certains tunisiens pour y arriver autrement, parfois au risque de leur vie dans la dernière alternative...Les femmes sont quant à elles plus touchées par le chômage que les hommes. 57% des diplômés sont des femmes. Pourtant, 38% des femmes sont employées contre 51% des hommes. Et quand elles accèdent à l'emploi, elles sont à compétences égales moins bien payées que les hommes.

Quant au développement régional, un constat s’impose : toute la moitié-ouest de la Tunisie est aujourd'hui sous développée comparé au littoral qui assure plus de 80% de la production économique annuelle avec 60% de la population installée sur près de 17% du territoire. Le Sud (15% de la population, 58% du territoire) et l'Ouest (25% de la population, 25% du territoire) réalisent le reste, c'est-à-dire un peu moins du cinquième. Quand le chômage évolue entre 5 et 10% dans les régions côtières (la partie verte de la carte), il tourne autour de 16 à 21% sur la moitié ouest (la partie rouge). Au point que toute une région de l'Ouest, celle de Gafsa, a implosé en 2008, les habitants ne supportant plus leurs conditions économiques et sociales qui ne cessent de se détériorer.

Refonder notre modèle social est devenu une urgence, d’autant plus que la crise économique actuelle ne fait qu’empirer la situation. Concernant le chômage des diplômés, une des premières réformes qui s’imposent est le changement radical du système d’orientation des bacheliers : ne plus orienter les étudiants selon les places disponibles dans les universités, mais plutôt selon les débouchés disponibles sur le marché du travail. Il faut revaloriser les diplômes en rehaussant le niveau des diplômés, qui est plus qu’insuffisant aujourd’hui. Autrement, les entreprises ne seront pas incitées à recruter. Familiariser l’étudiant avec le monde de l’entreprise dès ses premières années d’études est indispensable pour éviter que les étudiants ne choisissent des filières qui ne leur conviennent pas et pour favoriser leur insertion dans le monde professionnel. En résumé : rapprocher davantage la demande de l’offre, agir en amont des études en améliorant l’orientation, plutôt qu'après la formation en accompagnant les chômeurs de longue durée dans une insertion souvent chaotique. Et faire en sorte que l’étudiant choisisse sa formation au lieu de la subir !

Le rééquilibrage du développement économique entre les régions constitue la deuxième urgence. Le Nord-ouest de la Tunisie, qui est une région historiquement agricole, et le Sud-ouest, une région historiquement minière, souffrent d’une part, d’un manque d’équipements et d’infrastructures et d’autre part, d’un manque de diversification des activités économiques. Avec les progrès technologiques réalisés dans les deux branches agricoles et minières, la demande en main d’œuvre a fortement chuté ces dernières années, ne laissant aux habitants des régions concernées que le choix du chômage, de la migration ou de l’immigration.

L’effondrement du modèle social sur lequel le pays a été bâti est déstabilisant pour toute la société. Les conséquences ont commencé à se faire ressentir avec les évènements de Redeyef, et la réponse de l’Etat a été plus que décevante et frustrante pour tous. Il ne faut pas que le sentiment de désespoir que peuvent ressentir les gens qui souffrent de cette situation ne se transforme en sentiment d’injustice. Car cela justifierait tous les extrémismes.

Source image: Consultation Nationale sur l'Emploi.

15 février 2009

A propos de qualite de vie en Tunisie..

Loin de moi l'idée de gâcher la fête qui se poursuit depuis 3 jours - depuis le dernier classement de la Tunisie au Top des pays arabes selon l'indice de qualité de vie de International Living-, il me semble que ces indicateurs sont plus pertinents et leur intérprétation plus juste quand on fait attention à leur évolution dans le temps, d'une année à l'autre. Chose qu'aucun journal ou média tunisien n'a pensé à regarder, se contentant de récupérer l'information pour accorder un énième satisfécit mauve.

Il se trouve que l'évolution de cet indice pour la Tunisie entre 2008 et 2009 révèle une augmentation du cout de la vie de 12 points, une baisse de la note culturelle de 6 points, une baisse de la note de l'économie de 8 points, -3 pour l'Environnement, -8 pour la liberté, -12 pour la santé...faisant que la note globale de la Tunisie a baissé de 3 points:


Country

Cost of Living

Leisure & Culture

Economy

Environment

Freedom

Health

Infrastructure

Risk & Safety

Climate

Final Sco

Tunisia(2008)

58

65

38

68

25

77

38

86

85

59

Tunisia(2009)

70

59

30

65

17

65

38

86

84

56












Quelqu'un s'est-t-il intérrogé sur les raisons de cette baisse de la qualité de vie? Non... Alors, à quoi bon se réjouir de la première place quand le niveau de toute la classe est en baisse?

12 février 2009

Sama Dubai au point mort?



Après les premiers doutes, la rumeur a commencé à circuler fin Septembre 2008, au même moment des premiers chocs des crises financière et immobilière mondiales, et de quelques scandales de corruption qui ont touché les proches du cheich de l'Emirat. Le blog Débat Tunisie, toujours bien inspiré a aussi évoqué le sujet. Entre temps, les capitaux des développeurs de mégaprojets Emiratis investis en bourse commençaient à fondre, et la crise à impacter l'économie réelle.

Puis il y a eu le démenti officiel en Décembre pour parrer à toutes rumeurs. Les 350 000 emplois promis à la Tunisie refont surface. Juste un mois après, Sama Dubai annule pour la première fois un de ses projets de ville du futur, à Bahrain...

Aujourd'hui, la rumeur persiste et le projet serait au point mort, selon Maghreb Confidential. Le modèle économique de l'Emirat dont les principaux pilliers sont l'immobilier et le tourisme, montre ses limites. Les deux secteurs sont sinistrés avec des annulations de projets, de réservations hôtellières, et des licenciements en augmentation. Aujourd'hui, l'Emirat qui avait l'intention d'investir près de 25 Milliards en Tunisie, est endetté de 80 milliards avec une menace sérieuse d'OPA venant du voisin Abu-Dhabi, qui s'est proposé de renflouer la dette de Dubai.

En attendant de voir des emplois et des grattes-ciel en Tunisie, on se contentera du fait que ce projet aura contribué à créer une riche base de candidatures spontanées, diverses et variées qui étaient prédestinées à Sama Dubai. Avis aux autres recruteurs...

Mise à jour: L'information a été confirmée le 26 Mars 2009.