26 août 2008

Censure


Un tsunami de censure s’est abattu sur la toile tunisienne ces derniers temps. Les blogs, qui sont les derniers espaces où la liberté d’expression s’exerce encore en Tunisie, ont été particulièrement touchés : Pour Gafsa, Samsoum, Mochagheb, Radyoun, Mohammed Ali, Anti-censure, Annaqued ont été visés par les ciseaux du censeur...

Jamais le rythme de la censure n'a été aussi soutenu, et l'acharnement du censeur à rendre innaccessible depuis la Tunisie tout site "perturbateur" démontre deux choses: que la blogosphère et les autres sites liés sont étroitement surveillés, et que les moyens déployés pour cette surveillance sont considérables. J'imagine d'ici les cyber-surveillants, ou cyber-policiers, entrain de scruter le web et de taper leurs rapports quotidiens à leurs supérieurs...

Mais la censure a franchi un pas nouveau: elle s'est attaquée à Facebook, un des sites préférés et les plus utilisés des tunisiens (plus de 28 000 utilisateurs tunisiens). La popularité du site a fait que la réaction face à son inaccessibilité s'est vite ressentie: à côté des nombreux posts des blogueurs, quelques sites d'information tunisiens ont réagi, timidement certes, à cette nouvelle censure: Africanmanager se demande naïvement à quoi est dû ce problème technique (doux euphémisme...); tandis que Business News rappelle au censeur que bloquer Facebook revient à bloquer des voix "amies"...
Ce qui est surprenant, c'est le nombre considérable de personnes dans mon entourage qui viennent de réaliser que la censure est bien effective en Tunisie! Auparavent, un blog censuré passait presque innaperçu, et seuls les rares personnes averties se rendaient compte de la censure. Avec le banissement de Facebook, tout le monde ou presque vit et ressens cette privation, et se sent du coup lésé dans son droit à discuter avec ses amis ou diffuser ses photos...Certaines personnes qui ont appelé leur FAI pour avoir des expilcations ont eu la réponse suivante: "le site est fermé car il renferme les activités de groupes intégristes"...Seulement, ces mêmes personnes ne concoivent pas qu'on prive une majorité "saine" de l'utilisation de ce site à cause d'une minorité perturbatrice...D'où le sentiment de punition collective ressenti par les utilisateurs de Facebook, tout comme ce fut le cas pour Youtube et Dailymotion, par ailleurs toujours censurés depuis la Tunisie...

Mais ce qui surprends le plus, c'est l'inutilité de cette censure. Comment peut-on bloquer Internet, une technologie si rapide et qui jouie d'une capacité de regeneressence inégalable? A quoi sert la censure, quand on peut facilement la détourner grâce aux proxys, et aux innombrables portes d'accès aux sites prohibés? L'utilité de cette censure ne réside pas dans le simple blocage de ces sites, mais dans les effets indirects qu'elle produit: peur et lassitude de l'internaute, auto-censure des bloggueurs, etc...

Ces derniers temps, on a beaucoup parlé de la Chine, de ses J.O., et de la vigueur de la censure de la toile chinoise. Aujourd'hui, je ne vois personnellement aucune différence entre le censeur tunisien et le censeur chinois, du moins en terme d'intensité de la surveillance et de la censure. Tout comme en Chine, la toile tunisienne est entrain de devenir superficielle, biaisée, et ne représentant pas la diversité des opinions et des courants qui caractérisent la société tunisienne.

Entre temps, le peuple tunisien demeure un peuple d'assistés, de gens à ordonner, incapables de discerner le bien du mal, et à qui on doit indiquer ce qu'on doit lire, dire et faire...

Pour en savoir plus sur la censure en Tunisie, ici.

22 août 2008

Homo Tunisianus


Lors de mes vacances en Tunisie, j'ai eu deux certitudes: les prix ont sensiblement augmenté, et les tunisiens consomment toujours plus! C'est toujours la bousculade dans les grandes surfaces, et les fast-food et restaurants ne désemplissent pas...

Quelle contradiction, quand on sait que le consommateur tunisien vient tout juste d'encaisser le choc de l'augmentation brusque des prix depuis le début de l'année, qu'il s'accroche comme il peut pendant la période estivale, synonyme d'augmentation des dépenses, et qu'il s'apprête à heurter brutalement un mois de Ramadan qui gonflera son budget alimentation (et son ventre par la même occasion...) suivi d'une rentrée qui ne sera pas moins chère pour le ménage tunisien qui est constitué d'au moins deux enfants en moyenne... Sans parler de l'Aïd, qui n'est que dans un mois, et la prochaine et probable augmentation du prix l'essence à la pompe...

Quelle est donc cette recette secrète qui rend le budget du tunisien si extensible? Les prêts bancaires et familiaux? "Travailler plus pour gagner plus" (ça, c'était pour l'humour...)? Ou le "système B" (incluez dedans la débrouille, les pots de vin, et tout moyen, qu'il soit honnête ou pas, de se faire de l'argent...)?

Ce qui m'amène à ma troisième certitude: le tunisien n'est pas un Homo Oeconomicus! Je m'explique par une petite définition économique élémentaire:


L'Homo œconomicus est considéré comme rationnel. Autrement dit, cet individu:
  • a des préférences et qu'il peut ordonner. Si ainsi il préfère les pommes aux poires et aussi les poires aux bananes, alors il préfèrera les pommes aux bananes. C'est la transitivité.
  • est capable de maximiser sa satisfaction en utilisant au mieux ses ressources : il maximisera son utilité (et non pas son profit).
  • sait analyser et anticiper le mieux possible la situation et les événements du monde qui l'entoure afin de prendre les décisions permettant cette maximisation

C'est ce qu'on vous apprend lors de votre premier cours d'économie. Selon cette théorie, le tunisien aurait rationalisé son comportement en modérant sa consommation. Mais le comportement tunisien vient en contradiction à cette théorie économique, puisque le Tounsi ne trouve son bien-être que dans la dépense et la consommation et qu'il fait tout pour maximiser son profit, et non son Utilité...

Etrange Homo Tunisianus...

Source image.

15 août 2008

ردّ بالك ترّوح

عبد الحميد، يعيطولو "كحلة" على خاطرو كحلوش، يخدم شيفور إيسوزو في شركة تجارية، يخلص 220 دينار مبعد 20 سنة خدمة في نفس الشركة، معرس عندو 3 صغار في الإبتدائي و الثانوي، تلاقينا نهج لندرة وسط العاصمة بش نشربو سيتروناد:
أنا: أحكيلي شني أحوال البلاد ؟
هو: آش بش نشكيلك؟ العباد الكل تبقبق...الكلنا مغصورين...ولادي كبرو، وّلاو يفهمو، وطلباتهم صعبت عليا...ملي الباكو الحليب ولاّ بدينار، وّليت نخّلطهولهم بالماء بالسرقة، أّما ديما يقولولي آش بيه الحليب إلي تشري فيه مغشوش؟ ردّ بالك ترّوح...

فريد و فاطمة، عندهم زوز صغار، هو طبيب مستشفى وهي أستاذ رياضة في معهد، يسكنو في الكاف، يحصلو زوز ملاين في زوز:
أنا: أحوالكم؟
هم: ماشيا و تصعاب...الحمد للله نعيشو لاباس، ولاكن قد قد...عندي سنين نحاول ولاكن ما نجمناش نكّونو...الشهرية تدخل منة تخرج منة... ردّ بالك ترّوح...قاعدين نلوجو على أنترنات على خدم في فرانسا، سمعنا حاشتهم بطبّة، ولّي ساركوزي سهّلها علي التوانسا القاريين...

وسيم، عروس بو عام، جاب طفلة سمّاها ليلة على أُمّو، حل مشروع صغير علي روحو:
آنا: شنيّا حياتك؟
هو: صّح ليك تخدم في فرانسا، ردّ بالك ترّوح...ندمنا كيف روحنا بعد قرايتنا في باريس آنا ولمرا، الخدمة هوني تعيفك في روحك، تحبلك 3 أيّامات ماشي جاي باش تتحصل علي رندفو للخدمة، و تجري وراء النّاس باش تخلص...رد بالك تغلط و تروّح... نحب نجيب طفل، أمّا ما عنديش فلوس، ولا الصبر، في الوقت الحاضر...

Retour à la case prison...

Comment purger toute contestation sociale? Suivez la solution tunisienne: mettez tout le monde en prison, sans exception, sans conditions, sans défense, sans dialogue, et sans procès... Les derniers jugements de l'affaire Redeyef sont tombés: 8 mois de prison, après une petite séance de torture-thérapie, essentielle à l'intégration des nouveaux venus dans les prisons tunisiennes:

Le tribunal de première instance de Gafsa à condamné aujourd’hui à huit mois de prison ferme les (sept enseignants) manifestants détenus suite au rassemblement qui à eu lieu devant le siège de la délégation de Redayef le 27 juillet dernier pour réclamer la libération des prisonniers du mouvement social de contestation des habitants de la région du champ minier.

A ce rythme, le contingent des Redeyefois dépassera rapidement celui des Nahdhaouis dans nos gôeles : il fallait bien y renouveler un peu le sang...

13 août 2008

Tabarka



Après Mahdia, j'ai visité Tabarka. Deux villes si différentes, et si belles à la fois. La route pour Tabarka est un défi pour les meilleurs pros du rallye, mais les paysages sont exquis. Le nord de la Tunisie est très beau, riche de ses lacs et forêts. La vie dans les petites villes et villages traversés semble tourner au ralenti, chaleur estivale oblige. Il n'y avait que les ouvriers des champs et les policiers, inépuisables, qui s'activaient. L'acceuil pour "nos citoyens à l'étranger" (Mouwatinina fil kharej) est particulièrement chaleureux cette année : entrée aux musées gratuites, laisser-passer direct de la part des "Haress" et policiers en cas de contrôle., des jeux -concours qui lui sont exclusivement réservées sur les radios nationales, etc...). Les consignes semblent être de les chouchouter: ils remènent de plus en plus de devises, ils font tourner la machine de la consommation, boudée en ce moment par les tunisiens "d'ici" pour manque de ressources agravé; et ils peuvent avoir un certain pouvoir contestataire vis à vis de la politique interne (Cf. notre ami nantais arrêté à Redeyef, sa ville natale, pour son soutien à ses habitants...). Heureusement que la statue de Bourguiba gît toujours au même endroit, au centre de la ville de Tabarka, j'ai eu peur qu'elle ne se transforme en un 7...



Plus de photos de Tabarka ici


08 août 2008

Mahdia


Je brise mon avenir dans le but d'assurer celui des futures générations de mon pays, je livre mes enfants au dénuement pour sauver la vie des enfants qui meurent de faim. Je me livre à la misère pour qu'elle puisse épargner mes compatriotes. C'est une loi que le bien ne peut s'accomplir qu'au prix d'un mal qui le précède...
Faire par son malheur le bonheur des autres, édifier sur sa propre ruine le monument de la solidarité nationale, voilà la tâche des élites d'aujourd'hui.

Zarzis, Février 1935
Tahar Sfar
Journal d'un exilé.