13 septembre 2011

Tunisie : les enjeux de l'Assemblée Constituante


A plus d'un mois du vote, le débat fait rage en Tunisie sur la question de l'organisation d'un référundum sur la limitation de la durée et des pouvoirs de l'assemblée constituante, simultanément à l'élection de ses membres.

"Monarchie constituante", "assemblée dictatoriale", ou bien alors "constituante confisquée", "constituante vide de substance"...Les tenants du "pour" et du "contre" le référundum débordent d'imagination pour alerter sur les "dangers"de l'un et l'autre des scénarios évoqués. L'électeur tunisien, qui espérait percevoir un "espoir" plutôt qu'un "danger" dans cette constituante, se retrouve non seulement perdu dans une avalanche de candidatures, mais également face à un choix cornélien et à une difficulté supplémentaire pour décider, pour une fois, de son sort. De quoi désespérer des premières élections libres du pays...

Au delà des arguments avancés par les défenseurs et les détracteurs du référundm, la question essentielle qui est posée est celle de la délimitation des pouvoirs de l'assemblée.

Si nous avons opté pour prendre le temps d'élire une assemblée plutôt que pour l'élection d'un président dans la précipitation, c'est pour donner la chance, par déléguation, à à peu près tous les courants, toutes les tendances et toutes les visions politiques qui anniment notre société de s'exprimer et de se confronter pour aboutir à un projet majoritaire, commun et accepté par tous. Limiter les attributions de la constituante reviendrait donc à limiter la souveraineté populaire et, en quelque sorte, à fausser le jeu démocratique.

Certes, le référundum est bien un mécanisme démocratique de nature à traduire la volonté d'une majorité. Mais pourquoi alors vouloir demander leur avis directement aux électeurs plutôt qu'à leurs représentants élus au sein d'une assemblée?

Parce que cet appel au référundum est l'expression d'un doute, d'une crainte sur la capacité de la future assemblée à s'auto-réguler, à sauvegarder les acquis de la Tunisie et à proposer des réformes progressistes pour le pays. Ce doute se trouve renforcé par la popularité d'un parti en particulier, Enahdha, à qui on prédit une part confortable de sièges à l'assemblée, sans compter sur les apports d'éventuelles alliances post-électorales pour constituer une large majorité. Un parti controversé et soupsonné, s'il avait l'ascendant, de vouloir faire marche arrière sur certaines avancées qui concernent en particulier le statut de la femme, la sécularité de l'état, et les libertés individuelles. Ennahdha a beau tenir un discours consensuel et légaliste; et on a beau expliquer que le système électoral a été batti pour éviter l'hégémonie d'un parti au sein de l'assemblée et pour donner plus de poids aux "petits" partis, la méfiance - ou peut-être la peur du résultat des urnes - demeure forte...

Nous nous retrouvons donc, et toujours, face à deux lignes de clivage qui continuent de marquer la transition et qui font les débats actuels en Tunisie : la place de l'islam dans la société et dans le système de gouvernance; et le degré de rupture avec l'ancien système, ses équipes dirigeantes et ses sphères d'influences. Deux conceptions différentes de la tunisie post-révolutionnaire qui s'affrontent depuis le 14 Janvier. Mais si nous optons pour l'option d'une délimitation du pouvoir de l'assemblée, cela reviendrait à maintenir, de facto et pour un temps suplémentaire, les structures gouvernantes actuelles. Cette situation renforcerait la crise de légitimité dont souffre le gouvernement provisoire au lieu de la résoudre, sans pour autant accorder la légitimité et la souveraineté nécessaires à une assemblée nouvellement élue pour insufler une dynamique de changement. 

Il ne reste qu'une seule solution à ce casse-tête politique : que les partis politiques trouvent un accord préalable établissant un mandat clair pour la constituante. Il semblerait qu'on se dirige vers cette option. Réponse ce jeudi.

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