14 mai 2009

Not Free


Y a-t-il chose plus bête que de censurer un blog?

La censure d'un blog, qui est de plus aussi populaire que celui de 3amrouch, provoque automatiquement une onde de choc dans la blogosphère pour dénoncer cet acte inutile. Cela a pour conséquence de médiatiser cet acte de censure, et de relayer largement l'information que l'on a voulu cacher. Avec quelques centaines de visiteurs par jour et pour chaque blog qui reprend le fameux tabou, le censeur fait exactement ce qu'il faut pour la diffuser plus vite et plus fort.

Tout blog est facilement dupliquable si son auteur le souhaite. Le censurer, c'est tout simplement le déplacer sur la toile. Il existera toujours et sera également accessible, d'une manière ou d'une autre. Ce qui laisserait penser que la sanction de la censure est plus symbolique qu'effective. C'est pour punir. C'est une manière de rappeler à chacun que l'on est surveillé, et aussi de redéfinir les lignes rouges à ne pas dépasser...

Une nouvelle fois, la Tunisie confirme son statut de "Not Free" obtenu dans le dernier rapport de Freedom House, dont voici un extrait:

Although the Tunisian blogosphere is still young (effectively started in 2006) and comparatively small (600 active blogs), it serves as a dynamic alternative forum for the practice of free speech. Blogs have begun to play an important role in addressing issues and events that are considered to lie beyond the "red lines" observed by traditional media, such as the labor riots that took place in the Gafsa mining area in early 2008

12 mai 2009

Tragédie en 5 actes...


Nous sommes le 12 Mai, à 5 mois seulement du vote d'Octobre prochain, et rien ne se passe en Tunisie.. Alors que dans d'autres pays démocratiques la bataille entre partis et candidats débute un an avant le vote final, nos principaux sujets de discussion et de débat tournent autour de la religion, du foot ou de la télé-réalité. Quand dans les pays où il y a un réel enjeu et un vrai désir de changement, les élections sont le principal sujet de discussion et de débat dans les médias et entre citoyens, le calme règne sur notre scène politique et dans nos médias : pas de débats, pas d'interviews, pas de sondages...Rien de tout celà. Même dans le parti unique, seul vrai acteur de ces fausses élections, rien ne se passe vraiment. Militants et symathisants ne peuvent même pas choisir le candidat de leur parti aux élections. C'est toujours le même, évidemment...

Pourtant, ce ne sont pas les sujets et thèmes de débats qui manquent. Chômage élevé, une croissance en berne, de difficiles débouchés pour les diplômés, des jeunes qui ne croient plus à grand chose, une éducation de masse qui ne forme plus, un système de santé enrhumé, une presse non libre, corruption, affairisme, clientellisme, "familiarisme", renforcement des inégalités, entre pauvres et riches, entre "littoral" et "intérieur", entre "bien nés" et "mal nés"...sans parler de la justice, de l'administration, de la censure...Nous aurions l'embarras du choix!

Les prochaines élections seront probablement la dernière échéance avant qu'un nouveau "changement" ne survienne. Beaucoup de gens le ressentent, appréhendent et attendent en silence. Une atmosphère de fin de rigne s'installe progressivement dans le pays. Et elle ressemble étrangement, à quelques détails près, à celle de l'époque du Roi-Soleil (17ème siècle) en France, dont voici une brève description tirée d'un ouvrage sur Phèdre, la tragédie en 5 actes de Jean Racine :

"Racine rompt avec Champmeslé et épouse une bourgeoise de bonne famille, dont il a de nombreux enfants. Nommé histographe du roi, il embrasse de nouvelles fonctions qui le rapprochent davantage de la cour et du pouvoir: logé à Versailles, considéré comme un familié du monarque, Racine mène une vie bien établie. Il adopte en outre les tendances idéologiques qui se dessinent à la fin de règne de Louis XIV: la religion occupe tous les esprits, sous l'influence de Mme de Maintenon, épouse morganatique du roi. Cette grande dame austère commande à Racine deux pièces religieuses, de forte inspiration biblique, Esther et Athalie. Le Grand Siècle devient bigot, les fêtes brillantes appartiennent au passé et le vieux roi prie pour son âme. Une atmosphère de fin de règne s'installe". Phèdre, Brigitte Prost

08 mai 2009

Légende tunisienne?


Il est surprenant de voir à quelle vitesse la rumeur de rapt d'enfants en Tunisie s'est propagée, causant une remontée d'inquiétudes et d'angoisses impressionnante dans la population. Amis et famille ne parlent que de cette rumeur, qui s'est propagée en empruntant simultanémant deux vecteurs efficaces et à effet multiplicateur: Internet, via Facebook, et la vieille technique de "bouche à oreille". Cette histoire a pris des proportions et a causé assez d'affolement pour que certains journaux tunisiens démentent, témoignage de sociologue à l'appui.

L'absence de démenti officiel d'un côté, et le manque de crédibilité des journalistes de l'autre ne fait qu'augmenter les angoisses. Faute de pouvoir affirmer ou infirmer avec certitude ce genre de faits supposés, il est intéressant de se pencher un peu plus sur cette histoire récurrente de rapts d'enfants et de trafic d'organes par des réseaux organisés.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce récit ne date pas d'hier. On peut remonter au moins au 18ème siècle - à une époque où technologies d'information et techniques de transplantation d'organes n'existaient même pas-, pour trouver des récits similaires à ceux qui hantent les esprits des tunisiens aujourd'hui. Celà se passait en France:

En 1768, la foule envahit le collège car une rumeur était montée dans Lyon disant que les moines abritaient un prince manchot et enlevaient des enfants pour leur voler leur bras et le donner au prince. L’émeute fit 25 blessés puis on revint à la raison devant l’absence manifeste de prince.

Plus récemment, dans les années 90, des récits de rapts d'enfants et de trafic d'organes ont recommencé à circuler un peu partout dans le monde. Il s'agissait à chaque fois des mêmes faits, avec
des variantes spécifiques à chaque pays, région ou culture : des touristes drogués pour subir un vol d'organe au Brézil, les enfants pauvres des bidonvilles kidnappés pour être dépouillés de leurs organes et pour allimenter le marché noir en Argentine, etc.

Même si ces rumeurs peuvent être inspirées de faits réels ou vraissemblables (car il existe vraiment des trafics d'organe d'enfants dans le monde), on ne pourrait nier le fait que beaucoup de ces récits relatés sont le plus souvent le fruit de l'immaginaire collectif. Ces rumeurs apparaissent et disparaissent subitement, sans que l'on puisse connaitre leur origine ou comprendre leurs causes. C'est un phénomène social. Ce qui est certain, c'est qu'il existe des circonstances favorables à la formation et à la diffusion de tels récits : une angoisse populaire latente; absence de sources d'information fiables et crédibles; la peur ou la méfiance de l'autre, de l'étranger, de l'inconnu, de la nouveauté, de la modernité; moments de conflits ou d'instabilité politique où la désinformation par la rumeur pourrait servir une cause, ou une idéologie.