25 juillet 2011

Et si le problème actuel de la Tunisie résultait d’un conflit générationnel profond?


Je publie ici un excellent texte qu'un ami m'a transmis.

"Le discours de certains Hommes politiques tunisiens en ce moment est pour le moins ambigu et incompréhensible.



En effet, 5 mois après le 14 janvier, on constate que l’élite composant la vie politique tunisienne se borne dans une rhétorique du passé et simpliste (crise économique, insécurité et spectre islamiste/extrême gauche). Tous ou presque se trompent et semblent oublier un élément fondamental dans l’analyse qu’il faut avoir de la société tunisienne aujourd’hui qui n’est autre qu’un conflit générationnel profond et qu’il faudra nécessairement reconnaitre un jour ou l’autre.


Une fois ces deux générations brièvement décrites, nous pouvons attaquer le vif du sujet en rappelant à nos Hommes politiques qu’un conflit générationnel est au cœur de la dynamique observée en Tunisie : les enfants des 2 Ben « Ben Laden et Ben Ali » Versus les enfants des 2 Bou «Bourguiba et Abou Ammar (plus connu sous le nom de Yasser Arafat) ».


Un clivage profond au niveau de la pensée, l’idéal recherché, du mode de vie, etc. sépare les deux générations présentés ci-dessus. Les deux évoluent ou ont évolué dans des situations radicalement différentes et ont donné lieu à l’apparition, dans chacun des deux cas, de deux blocs distincts :






1- Principales caractéristiques des enfants des 2 Bou « Bourguiba et Abou Ammar » :






  • Principal fait d’arme : avoir obtenu l’indépendance du pays pacifiquement (à moindre frais en vies humaines).
  • Icône du moment : Bourguiba, despote éclairé (mais despote quand même) se considérant père de la nation et ayant servi de modèle à toute une génération d’intellectuels prête à se sacrifier pour leur maître et à servir leur mère patrie avec dévouement et fierté
  • Puissances en présences : les Etats unis et l’Union Soviétique (un monde bi-polaire)
  • Révolutionnaires du moment : Abou Ammar « Yasser Arafat », terroriste international ayant fait de la cause palestinienne son principal combat. Cette cause qui est couramment admise comme l’une des plus grandes injustices post-seconde guerre mondiale et Che Guevara (révolutionnaire qui a osé défier l’impérialisme en déclenchant des rebellions sur pratiquement tous les continents)
  • Icônes sportives : Mohamed Ali ou Cassius Clay champion de boxe hors du commun et symbole du combat d’une minorité opprimée par son système et Maradona « El Pibe de Oro ». Tous les deux sont connus pour leur arrogance légendaire.
  • Caractéristiques de la société tunisienne : société ayant vécu une émancipation importante surtout pour la place de la femme dans la société (accès au travail, droit au vote « même si il ne servait à rien », etc., scolarisation massive (droit au savoir)
  • Les deux blocs qui s’affrontent : les socialo-communistes affrontaient les capitalistes purs et durs. Le parti au pouvoir sous le joug du despote éclairé expérimentera les deux tendances pour au final inventer un modèle à la tunisienne de « capitalisme socialisant »
  • Rapport avec la religion : un islam modéré transmis par la tradition et des imams modérés dont on a peine aujourd’hui à trouver des équivalents dans la société moderne cheikh « J3ait », cheikh « Ben Achour », etc.
  • Principaux échecs de cette génération : Cette génération n’a pas su tuer (au sens figuré) son Roi ayant toujours cette naïveté de croire que le système était bâti sur des bases solides et que le pays arrivera à avancer même si son principal cerveau (le despote éclairé) n’avait plus la vivacité d’antan. Elle a également subie de très gros affronts comme la guerre des six jours (une raclée inoubliable) et le bombardement de Hammam Lif par Tsahal. Tous ces éléments ont contribué à brider son caractère et à la soumettre de plus en plus !
  • Principaux traits caractéristiques de cette génération : Brillante, Grande Gueule, soumise à son Roi et ayant subi des chocs qui ont bridé son caractère !


2- Principales caractéristiques des enfants des 2 Ben « Ben Laden et Ben Ali » :




  • Principal fait d’arme : avoir viré du pays son Roi (Ben Ali) et tout son clan de mafieux
  • Icône du moment : pour une partie de cette génération c’est le prophète Mohamed, pour l’autre c’est le Dollar
  • Puissances en présences : les Etats unis (toujours là), les BRIC’s et les islamistes (on ne peut pas négliger le poids de ces derniers dans l’équilibre géopolitique d’aujourd’hui : à cause d’eux on déclenche des guerres)
  • Révolutionnaires du moment : Ben Laden, terroriste notoire ayant osé l’impensable (toucher l’ennemi impérialiste à son cœur) ! Même si la plupart de cette génération n’adhère pas à ses méthodes radicales, force est de constater que son geste a marqué cette génération ! Julian Assange : le premier à avoir efficacement utilisé le net dans son combat contre l’impérialisme
  • Icône sportive : Zineddine Zidane, sportif hors du commun ayant osé l’impensable devant toute une planète (mettre un coup de boule en finale de la coupe du monde de football devant 3 milliards de téléspectateurs)
  • Caractéristiques de la société tunisienne : société ayant vu l’émergence d’une classe moyenne éduquée qui pour une grande partie aspire à avoir accès à toutes les technologies modernes (voiture, internet, grand écran, etc.). Renforcement du rôle de la femme dans la société à un tel point qu’elle aspire à devenir la maitresse de la cité (Leila Ben Ali est une des facettes du résultat de l’émancipation féminine en Tunisie. Bien entendu et heureusement, il n’y pas que cette facette preuve en est le rôle de la femme tunisienne dans le mouvement du 14 janvier)
  • Les deux blocs qui s’affrontent : les capitalistes décomplexés affrontent les fervents disciples de Mohamed ! En d’autres termes, il nous faut inventer notre modèle de croissance pour les 30 prochaines années ! Une seule certitude : ce dernier devra prendre en considération les différents blocs en présences ! une sorte de « capitalisme islamique moderne »
  • Rapport avec la religion : un islam radicalisé prôné par des médias globaux soutenus par des Etats idéologiques (riches de surcroît) !
  • Principaux échecs de cette génération : Ne pas avoir gardé la main sur le mouvement du 14 janvier (la Génération des 2 Bou ayant pris la main) ! Ne pas avoir su préserver un rapport sain avec la religion (la bataille n’est pas perdue) ! une génération trop influencée par les médias et l’argent !
  • Principaux traits caractéristiques de cette génération : Moins Brillante, plus discrète, mais radicale et surtout loin d’être soumise !
3- La théorie du « conflit générationnel »


Aujourd’hui et au terme d’un rocambolesque scénario, on se retrouve dans une situation des plus ubuesque et dangereuse où la Génération des 2 Bou essaie de prendre en main la destinée de la génération des 2 Ben.


C’est pourquoi, nous assistons depuis quelques mois à un dialogue de sourds !


En effet, la première Génération (celle qui gouverne et anime la vie politique aujourd’hui) essaie d’imposer au dépend de la deuxième sa vision de la société tunisienne ! En même temps, cette génération s’accroche et ne part pas à la retraite car pour la première fois une occasion lui est offerte de ne pas être soumise à un Roi et de pouvoir exprimer ses capacités sans retenues !


C’est pourquoi, au-delà de la forme (critiquable pour certains), le fonds du discours politique actuel est hors sujet sauf pour quelques-uns qui arrivent à toucher une partie de la génération des 2 Ben avec des sujets qui les intéressent (Exemples : M. Nejib C et M. Rached G qui chacun de son côté tient un discours pour l’un et l’autre des deux blocs de la génération des 2 Ben : les capitalistes décomplexés et les fervents disciples de Mohamed) !


D’autres acteurs de la vie politique sont complètement à l’ouest et ne voient pas du tout le clivage générationnel existant (Exemple M. Béji C qui est l’incarnation de la Génération des 2 Bou : Brillant, Grande Gueule mais fait l’erreur de vouloir toujours avoir un rapport de soumission avec l’autre) !


Or il s’adresse, essentiellement à une génération qui a dit non à la « soumission » et qui risque de lui appliquer le geste favori de son icône sportive (le coup de boule) !


Signe de ce décalage entre les 2 Générations : les thèmes abordés par une majorité de la classe politique : crise économique, insécurité et spectre des islamistes/extrême gauche ! Ces thèmes ne sont pas audibles et parfois insultants pour les composantes des générations des 2 Ben :


  • Crise économique : un des slogans du mouvement du 14 janvier était de dire au despote Ben Ali que les tunisiens étaient prêts à vivre avec du pain et de l’eau pour ne plus se soumettre à son régime dégradant et totalitaire ! ce n’est donc pas en brandissant le spectre de la récession économique (qui au passage n’est pas encore avérée) que les hommes politiques vont réussir à captiver les foules
  • Insécurité : Depuis la date du 14 janvier, aucun Homme politique n’a eu le courage de dire la vérité aux tunisiens : «Plus jamais le niveau sécuritaire d’antan ne sera atteint, et ce pour une raison très simple c’est que nous vivions dans une société cadencée, verrouillée et de fait complètement artificielle. Toutes les sociétés modernes font face à des problèmes d’insécurité à des degrés divers, reste à savoir où le curseur sera placé pour la Tunisie post-14 janvier » ce choix, la génération des 2 Ben l’a fait et n’est pas prête à revenir dessus ! il vaut mieux vivre en insécurité mais digne qu’avec une sécurité et soumis ! La génération des 2 Bou qui elle a été soumise tout le temps a du mal à concevoir cette philosophie sécuritaire
  • Spectre des islamistes/extrême gauche : le discours tenu par la plupart des Hommes politiques consistent à brandir le spectre des islamistes et/ou l’Extrême Gauche. Encore une preuve que la génération des 2 Bou est à la manœuvre ! En effet, ils oublient que dans la génération des 2 Ben il y’a deux grands blocs qui s’affrontent : les fervents disciples de Mohamed et Les capitalistes décomplexés (la meilleure preuve semble la décision récente de M. Hamma H qui veut enlever le mot « communiste » de son parti)


Au lieu de nous proposer en boucle cette rhétorique, la classe politique ferait mieux de se saisir de sujets plus captivants pour la génération des 2 Ben à savoir : comment permettre au tunisien de gagner plus d’argent ? Comment les biens confisqués seront redistribués au citoyen tunisien ? Où sont les snipers? Comment organiser les autorités religieuses dans le pays ? Quel modèle de tourisme va-t-on proposer dans l’avenir? Comment développer la finance islamique? Comment combattre la corruption ?, etc.


Au terme de cette analyse rapide de la situation sous l’angle du conflit générationnel, on est obligé de faire le constat qu’à 3 mois des élections le Bloc des fervents disciples de Mohamed est le bloc le mieux encadré et le mieux représenté au sein de la génération des 2 Ben. Celui des capitalistes décomplexés peine à trouver une représentation à l’écoute de ses revendications (la génération des 2 Bou étant déphasée) !


Un autre constat s’impose c’est la disparition programmée de tous ses partis nouvellement créés dits centristes, nationalistes et autres ! Ces partis sont la preuve que la génération des 2 Bou n’a rien compris aux aspirations de la Génération des 2 Ben !"


Par Mon ami Dali
 
Source photo : ici

24 juillet 2011

Tunisie : voter, c'est révolutionnaire!


Le 23 Octobre prochain , les tunisiens sont appelés à élire une assemblée constituante, la deuxième de l'histoire du pays.

Voter, en Tunisie, est loin d'être dans nos habitudes. Sous Ben Ali, cela n'avait pas de sens ni d'intérêt, à part celui de participer aux masacarades organisées par le RCD et de donner une légitimité populaire à un régime illégitime et qui n'avait rien de démocratique. Avant, voter voulait dire : je suis d'accord avec la corruption, la répression et le pillage du pays. On comprenait alors le désintérêt manifeste d'une majorité de tunisiens pour ce genre de rendez-vous.

Le vote du 23 Octobre prochain sera différent : aller voter représentera pour chaque tunisien un acte extra-ordinaire, un vrai acte révolutionnaire, aussi révolutionnaire que d'avoir été devant le ministère de la torture pour crier "dégage". Voter pour élire une assemblée constituante, c'est se donner les moyens de rompre radicalement avec l'ancien système, qui est la cause du malheur subi par beaucoup de gens parmi nous. Voter, c'est aussi participer, individuellement et collectivement, à reconstruire les institutions du pays et contribuer à sortir de cette phase d'instabillité et d'absence de gouvernance. Voter, c'est décider pour soi, et s'émanciper de toute forme de tutelle étatique, partisanne ou coporatiste.

Avec toutes ces bonnes raisons, et plein d'autres, pour s'inscrire et aller voter en Octobre, je reste pantois devant l'appel de cetains à boycotter l'inscription et le vote. Qui et que boycottent-ils au fait? Et pour quelles raisons?

J'avoue que j'ai du mal à comprendre les arguments des opposants aux vote, dans la mesure ou le boycott signifie le refus du changement (le vrai, pas celui du RCD). Qui n'a pas intérêt aujourd'hui de voir la Tunisie changer pour de bon? Que le changement soit bénéfique, ou son contraire, il est encore trop tôt pour poser la question. On boycotte quand on n'est pas satisfait d'un évènement qui s'est déroulé et auquel on a participé. Or, c'est le 23 Octobre seulement qu'auront lieu les premières éléctions libres de l'histoire de la Tunisie. Comment peut-on boycotter l'histoire de notre pays? Votons d'abord, et opposons-nous après si on a de bonnes raisons.

Certes, tout ne se déroule pas parfaitement. Loin de là : on accuse du retard, on organise maladroitement et on informe peu sur les enjeux de cette étape. Mais est-ce surprenant que ca se passe ainsi pour une première fois? Les premiers pas sont toujours des pas maladroits. Mais on apprend à marcher en s'exerçant jusqu'à trouver l'équilibre. On peut en dire autant pour les élections en cours d'organisation.

Refuser de s'inscrire et de voter, c'est donner au monde entier un message contraire de celui qu'on a délivré en début d'année, et qui nous vaut toute l'attention, et parfois l'admiration de l'opinion mondiale. C'est aussi ignorer les aspirations de toutes ces sociétés opprimées et qui sont actuellement en lutte pour nous avoir suivi dans le chemin qu'on a choisi...

Crédit Photo : Reuters/Finbarr O'Reilly


18 juillet 2011

Tunisie : à quoi joue le gouvernement?




La spirale de violence a de nouveau marqué plusieurs villes du pays ces derniers jours, rappelant les violences qui ont suivi la diffusion des videos scandales de Rajhi il y a deux mois. Une nouvelle fois, les mêmes causes ont donné lieu aux mêmes effets : appels massifs à manifester sur Facebook, des rassemblements acceuillis par les forces de l'ordre par la brutalité qu'on lui connait, et fuite en avant des violences un peu partout dans le pays les jours qui suivent avec des scènes de pillage et de destruction qui ciblent principalement les symbôles de l'état...


Cette fois encore, les explications du gouvernement de transition ont été insatisfaisantes, frustrantes et incomplètes. Accusant à la fois des mouvements extrémistes de gauche pour leurs tentative de nuire à l'économie du pays, et de droite à obédiance religieuse pour leur tentative de destabilisation du processus de transition, le premier ministre ne désigne toutefois pas explicitement les partis ciblés. Même s'il n'est pas difficile de deviner que les parties visées sont le PCOT et l'UGTT d'un côté, Ennahdha et Hizb Ettahrir de l'autre (qui se sont empressés de nier leur implication), on ne comprend toujours pas pourquoi le premier ministre s'arrête à l'insinuation sans nommer clairement qui est visé par ces accusations. Cette attitude manque de transparence et contribue à alimenter les rumeurs et les théories de complots, véritable fond de commerce des dizaines de pages pseudo-révolutionnaires qui polluent les esprits sur Facebook.


Essebsi désigne-t-il le mouvement Ennahdha, dont les activités ont été autorisées, ce qui l'oblige à respecter un certain code de conduite pour pouvoir participer aux élections du 23 Octobre? Ennahdha, à qui on attribue une popularité importante, a-t-il vraiment intérêt à prendre de tels risques? Ou bien est-ce Hizb Ettahrir, mouvement non autorisé, qui enchaîne les coups d'éclats mais qui peine à rassembler autour de son idéologie rétrograde? Ce mouvement a-t-il vraiment les moyens de mobiliser, de façon concomitante, des centaines de jeunes sympatisants dans plusieurs villes du pays pour causer troubles et violences?


Toutes ces questions restent posées et sans réponses. La nouveauté, cette fois par contre, réside dans le mobile révélé de ces partis désignés qui, selon le premier ministre, "ne sont pas prêts pour les élections, car ils sont sûrs de ne pas les remporter" ce qui les motiverait à causer ces troubles pour "pour empêcher la tenue des élections". Mais s'il a des preuves sur ce qu'il avance, chose plausible vu le nombre de manifestants arrêtés et très probablement "écoutés" par les soins du ministère de l'intérieur, pourquoi le gouvernement n'agit-il pas en conséquence en révisant l'autorisation des partis concernés à exercer leurs activités? Pourquoi n'informe-t-il pas en toute transparence les citoyens sur les pratiques dangereuses dont il les accuse pour mieux les orienter dans leurs choix de vote le 23 Octobre?
Deux explications possibles à cette position pour le moins floue :
- soit le premier ministre base ses jugements sur des soupçons (ou sur de la mauvaise foi..) et ne souhaite pas accuser officiellement les partis ciblés au risque de mettre un coup de pied dans la fourmilière et de rentrer en conflit direct avec des partis qui peuvent mobiliser les foules...Dans ce cas là, il aurait mieux fait de se taire plutôt que de semer encore plus le doute dans les esprits. Et qui dit doute, dit méfiance et instabilité...
- soit il détient des preuves fortes de la culpabilité des partis visés, et dans ce cas là, il est difficile de comprendre et d'accepter qu'il n'agisse pas en conséquence. Qu'attend ce gouvernement pour prévenir ce genre de dépassements à l'avenir? Et au lieu d'avoir recours comme à chaque fois à la représsion policière brutale, pourquoi ne pas avoir plutôt recours à la justice et à des moyens légaux?


Dans les deux cas, le premier ministre et son gouvernement jouent avec le feu en tardant à adopter une position claire et sans ambiguïté. Cela ne fait que renforçer la position de victimes de partis qui ont été longuement et sévèrement réprimés et stigmatisés par l'ancien régime, en leur donnant plus de grain à moudre.


Enfin, ces explications, aussi crédibles soient-elles, ne doivent pas dédouanner ce gouvernement de ses responsabilités dans la gestion policière et violente d'un rassemblement qui, de toutes façons, était voué à l'échec pour cause d'impopularité et de récupération politicienne. Essebsi n'a pas dit un mot sur le jeune mort par balle à Sidibouzid, ni sur les blessés et les dizaines de personnes arrêtées de façon arbitraire. Il a, semble-t-il, encore une fois laissé le soin à l'armée de s'occuper de ce nouveau dossier sensible...


Crédit photo : © AFP Khalil

14 juillet 2011

Tunisie : pour une commission vérité

L'affaire Samir Feriani, l'officier de police en arrêt depuis près de deux mois pour avoir dénoncé les exactions commises par des officiels hauts placés au sein du ministère de l'intérieur, prouve combien il sera difficile de démanteler l'appreil sécuritaire que Ben Ali n'a cessé d'étoffer durant 23 ans de dictature.


Après avoir évincé Farhat Jajhi, le "M. propre" qui a tenté de réformer le ministère de l'intérieur, les chefs à la tête de l'appereil de sécurité osent le fratricide en réduisant au silence l'un des leurs. Face au cas Feriani, le gouvernement de transition, quant à lui, brille par son silence et par sa complésance.

Six mois après le 14 janvier, l'institution sécuritaire a l'air d'être toujours aussi autonome et puissante. Ni le gouvernement actuel, ni la justice, ne semblent être capables de la contrôler, et encore moins de la réformer. Seul le Palais de Carthage, sous Ben Ali, pouvait le faire. Mais la disparition de ses commanditaires n'a pas aboutti à la fragilisation de l'appareil de sécurité. Les longues années d'impunité et de puissance dont il a bénéficié n'a fait que renforcer son pouvoir.

Les agents du ministère de l'intérieur coupables d'homicides, de tortures et de violations devront pourtant répondre de leurs actes, et en priorité, faire face au légitime appel à la justice des familles des martyrs. Il ne peut y avoir de prescription en la matière. La population tunisienne ne semble pas non plus prête à faire des concessions à ce sujet. Un nouveau sit-in à la Kasbah est prévu demain pour continuer à faire pression.

Aussi primordiale que la réussite des élections de la constituante, et que le sauvetage de l'économie, la justice fait aussi partie des conditions de réussite de toute transition qui vient après des années de dictature répressive. Nous n'avons pas besoin de justice exutoire, ni de justice moralisatrice. Ce dont nous avons le plus besoin, c'est d'une justice réparatrice, d'une commission vérité dédiée à faire la lumière sur les exactions commises sous l'ancien régime. Nous ne pouvons pas bâtir une nouvelle nation avec tant de frustrations et de peines non réparées.

Source Photo : ici