20 mars 2011

Indépendance de la Tunisie, 55 ans après


Il y a deux ans, à l'occasion de la fête de l'indépendance, j'écrivais avec une certaine amertume :

"Les tunisiens sont-ils plus libres en 2009 qu'ils ne l'étaient en 1956? Notre presse est baillonée, nos droits sont bafoués, notre justice est instrumentalisée, nos revendications sont ignorées et l'économie est contrôlée par une minorité de privilégiés proches du pouvoir...De quelle liberté jouissons-nous aujourd'hui, à part celle de consommer? Quelle est cette république dont la constitution est constamment remaniée au bénéfice de ceux qui nous gouvernent?"

Aujourd'hui, le 20 Mars 2011, fêter l'indépendance de la Tunisie a un tout autre sens, une autre portée. Après s'être débarrassés de l'occupation étrangère, il aura fallu aux tunisiens 55 ans pour se débarrasser de l'occupant de l'intérieur : la dictature mafieuse du parti-Etat qui contrôlait le pays et l'ensemble de la société. Grâce à la révolution, le sentiment d'indépendance n'a jamais été aussi grisant, et sans le réaliser peut-être, les jeunes révolutionnaires achèvent aujourd'hui un processus initié il y a plus d'un demi-siècle par leurs grands-pères. C'est en ce sens que la révolution tunisienne, toute jeune soit-elle, marque déjà fortement notre histoire et nos esprits.

Cette continuité dans le temps et à travers les générations du combat pour l'indépendance est une leçon pour tous. Elle permet de conforter notre identité, celle qui nous rassemble aux moments critiques de notre histoire et qui nous définit à travers le temps : la dignité, l'attachement aux droits, aux valeurs de liberté et de justice. Elle rappelle aussi que le danger peut venir de l'étranger comme de l'intérieur, et que le combat pour l'indépendance est un combat continu et sans relâche. Elle nous apprend que la lutte pour l'indépendance ne se fait pas sans douleur et sans pertes. Le souvenir des martyrs de l'indépendance et plus récemment de ceux qui ont donné leur vie pour faire aboutir la révolution est en nous pour le rappeler. Les témoignages nombreux qu'on écoute en ce moment de prisonniers politiques, de personnes torturées et de militants malmenés sous les deux régimes de "l'après indépendance" révèlent le combat de longue halène et les sacrifices consentis depuis longtemps pour ... l'indépendance ! Le message que délivrent les tunisiens est clair : la véritable indépendance du pays sera démocratique, celle des libertés individuelles et du pluralisme politique.

Cette année, la fête de l'indépendance est plus joyeuse que d'habitude. La révolution est ressentie comme une grande étape franchie pour l'indépendance, avec un grand I. On n'a jamais été aussi proches du but. Mais il reste encore quelques batailles à gagner pour y arriver : garantir l'indépendance de la presse et de la justice, piliers de toute démocratie. Nous avons encore à y travailler en Tunisie...




01 mars 2011

Tunisie : instants décisifs


La Tunisie semble se diriger à terme vers une Assemblée constituante. Nous ne savons pas encore si cette assemblée sera directement élue par les tunisiens ou plutôt désignée par une "commission élargie de sauvegarde de la révolution" qui regroupera toutes les forces vives du pays : partis politiques, société civile, magistrature...Cette commission élargie, qui va probablement "absorber" la commission plus restreinte conduite par Yaadh Ben Achour depuis le 15 Janvier, aura pour tâche de statuer sur la question.

Avec le premier ministre Ghannouchi, plusieurs autres ministres ont démissionné du gouvernement de transition depuis le début de la semaine : les derniers ministres du RCD, 2 ministres proches de Hakim El Karoui soupçonné d'avoir conseillé Ben Ali jusqu'à ses derniers jours de répression, et les deux ministres de l'opposition. Mais tous les ministres n'ont pas démissionné. Il semble que le nouveau premier ministre M. Caïd Sebssi souhaite s'entourer d'un gouvernement de technocrates sur lesquels ne pèse aucun soupçon, et éviter le mélange des genres en refusant à ses ministres, ceux de l'opposition en particulier, le cumul des postes entre le gouvernement et la future commission.

La légalisation du parti Ennahdha la veille de la déclaration de Sebssi et la consultation qu'il a eu aujourd'hui avec la tête de l'UGTT porte à croire que l'une et l'autre de ces organisations fera partie de la future commission.

La question est de savoir quel sera le rôle du gouvernement dans les mois à venir, s'il n'est pas complètement dissout? S'occupera-t-il uniquement des questions sécuritaires et économiques, laissant la commission travailler sur la réforme politique? Et quel droit de regard cette commission aura-t-elle sur l'action du gouvernement? Aura-t-elle un quelconque pouvoir de sanction? Comment se déroulera la cohabitation?

Demain, on le saura. Peut-être...


Source Photo : AFP