18 juillet 2011
Tunisie : à quoi joue le gouvernement?
La spirale de violence a de nouveau marqué plusieurs villes du pays ces derniers jours, rappelant les violences qui ont suivi la diffusion des videos scandales de Rajhi il y a deux mois. Une nouvelle fois, les mêmes causes ont donné lieu aux mêmes effets : appels massifs à manifester sur Facebook, des rassemblements acceuillis par les forces de l'ordre par la brutalité qu'on lui connait, et fuite en avant des violences un peu partout dans le pays les jours qui suivent avec des scènes de pillage et de destruction qui ciblent principalement les symbôles de l'état...
Cette fois encore, les explications du gouvernement de transition ont été insatisfaisantes, frustrantes et incomplètes. Accusant à la fois des mouvements extrémistes de gauche pour leurs tentative de nuire à l'économie du pays, et de droite à obédiance religieuse pour leur tentative de destabilisation du processus de transition, le premier ministre ne désigne toutefois pas explicitement les partis ciblés. Même s'il n'est pas difficile de deviner que les parties visées sont le PCOT et l'UGTT d'un côté, Ennahdha et Hizb Ettahrir de l'autre (qui se sont empressés de nier leur implication), on ne comprend toujours pas pourquoi le premier ministre s'arrête à l'insinuation sans nommer clairement qui est visé par ces accusations. Cette attitude manque de transparence et contribue à alimenter les rumeurs et les théories de complots, véritable fond de commerce des dizaines de pages pseudo-révolutionnaires qui polluent les esprits sur Facebook.
Essebsi désigne-t-il le mouvement Ennahdha, dont les activités ont été autorisées, ce qui l'oblige à respecter un certain code de conduite pour pouvoir participer aux élections du 23 Octobre? Ennahdha, à qui on attribue une popularité importante, a-t-il vraiment intérêt à prendre de tels risques? Ou bien est-ce Hizb Ettahrir, mouvement non autorisé, qui enchaîne les coups d'éclats mais qui peine à rassembler autour de son idéologie rétrograde? Ce mouvement a-t-il vraiment les moyens de mobiliser, de façon concomitante, des centaines de jeunes sympatisants dans plusieurs villes du pays pour causer troubles et violences?
Toutes ces questions restent posées et sans réponses. La nouveauté, cette fois par contre, réside dans le mobile révélé de ces partis désignés qui, selon le premier ministre, "ne sont pas prêts pour les élections, car ils sont sûrs de ne pas les remporter" ce qui les motiverait à causer ces troubles pour "pour empêcher la tenue des élections". Mais s'il a des preuves sur ce qu'il avance, chose plausible vu le nombre de manifestants arrêtés et très probablement "écoutés" par les soins du ministère de l'intérieur, pourquoi le gouvernement n'agit-il pas en conséquence en révisant l'autorisation des partis concernés à exercer leurs activités? Pourquoi n'informe-t-il pas en toute transparence les citoyens sur les pratiques dangereuses dont il les accuse pour mieux les orienter dans leurs choix de vote le 23 Octobre?
Deux explications possibles à cette position pour le moins floue :
- soit le premier ministre base ses jugements sur des soupçons (ou sur de la mauvaise foi..) et ne souhaite pas accuser officiellement les partis ciblés au risque de mettre un coup de pied dans la fourmilière et de rentrer en conflit direct avec des partis qui peuvent mobiliser les foules...Dans ce cas là, il aurait mieux fait de se taire plutôt que de semer encore plus le doute dans les esprits. Et qui dit doute, dit méfiance et instabilité...
- soit il détient des preuves fortes de la culpabilité des partis visés, et dans ce cas là, il est difficile de comprendre et d'accepter qu'il n'agisse pas en conséquence. Qu'attend ce gouvernement pour prévenir ce genre de dépassements à l'avenir? Et au lieu d'avoir recours comme à chaque fois à la représsion policière brutale, pourquoi ne pas avoir plutôt recours à la justice et à des moyens légaux?
Dans les deux cas, le premier ministre et son gouvernement jouent avec le feu en tardant à adopter une position claire et sans ambiguïté. Cela ne fait que renforçer la position de victimes de partis qui ont été longuement et sévèrement réprimés et stigmatisés par l'ancien régime, en leur donnant plus de grain à moudre.
Enfin, ces explications, aussi crédibles soient-elles, ne doivent pas dédouanner ce gouvernement de ses responsabilités dans la gestion policière et violente d'un rassemblement qui, de toutes façons, était voué à l'échec pour cause d'impopularité et de récupération politicienne. Essebsi n'a pas dit un mot sur le jeune mort par balle à Sidibouzid, ni sur les blessés et les dizaines de personnes arrêtées de façon arbitraire. Il a, semble-t-il, encore une fois laissé le soin à l'armée de s'occuper de ce nouveau dossier sensible...
Crédit photo : © AFP Khalil
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5 commentaires:
les partis concernés sont le CPR, Ennahdha et AlMajd.. les trois n'ont jusque là présenté aucun programme électoral, ils s'amusent à créer les polémiques, lancer des accusations à droite et à gauche.. je pense que c'est eux -et non le gouvernement- qui doivent rendre des comptes sur ce qu'ils proposent concrètement pour faire avancer les choses à part se victimiser, et je pense qu'on rigolera bien à entendre les réponses..
Merci Mohamed pour ces précisions, en effet El Majd et CPR sont aussi des cibles de Essebssi.
Pour les programmes, il n'y a que Ettakatol, à ma connaissance, et le PDP, qui ont avancé sur des programmes.
la plupart des tunisiens savent que depuis un mois que ennahdha appelle au manifestation et Ejjebeli a annoncer que si ennahdha na pas au moins 40%des voix ça veut dire que les élections sont trafiqué et comme il n'y a eu personne pour répondre à leur appelle au manif ils sont entrain de comprendre qu'il ne sont pas aussi populaire qu'ils veulent faire croire .tous les tunisiens veulent la justice social et la liberté et les seuls qui les représentent vraiment si ECHEBI et BEN JAFFAR .
Concernant la position floue du gouvernement sur les évènements actuels (et passés), il semble que ta première position soit la plus plausible. En effet, aujourd'hui sur Mosaique FM, répondant à la question "Qui sont les partis et les tendances que vous visez? Les citoyens veulent savoir", le premier ministre a répondu: "Les citoyens ne sont pas des responsables comme moi. Et étant un responsable, je ne peux donner de noms précis que si j'ai des preuves solides".
Personnellement, je trouve que cette position dénote plutôt d'une mauvaise foi, car un vrai premier ministre responsable doit s'abstenir d'accuser des partis politiques d'être les instigateurs de telles violences sans preuves formelles. Tenir un tel discours ne peut que semer le trouble encore plus.
Quant à la question des programmes des partis auxquels BCE a insinué, il est certain que ces partis ne nous ont pas donné des programmes détaillés et complets à ce jour. Mais de là à dire que ça fait d'eux les seuls gagnants des violences et donc forcément coupables, je trouve que c'est très facile et dangereux à la fois.
D'ailleurs si on se tient à cette logique, on accuserait 99% des partis politiques.
Pour le bien de notre Tunisie, il faut s'abstenir de réagir selon une logique partisane. Qu'on soit contre tel ou tel parti, ne doit pas nous faire oublier que tous les tunisiens doivent s'accepter et que la compétition doit rester légitime et "propre". Les partis qui ne présentent pas de programme doivent être sanctionnés par les urnes, pas par la désinformation et le lynchage.
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