Par Harzalli Fadhel, enseignant à l'ISEFC Tunis
"La Tunisie est périodiquement affectée par des crues et des inondations catastrophiques qui engendrent des pertes humaines et des dégâts matériels importants. Les exemples ne manquent pas. Les inondations de septembre et d'octobre 1969, exceptionnelles par leur ampleur et leurs effets sur l’environnement, sont ancrées dans toutes les mémoires. Depuis, il y a eu celles de mars 1973 dans le bassin de la Medjerda, d’octobre 1982 dans la région de Sfax et celles de 1990 qui ont touché plusieurs régions de la Tunisie.
Données générales concernant la Tunisie
En Tunisie, les phénomènes d’écoulement qui provoquent des crues, elles-mêmes à l’origine des inondations, sont de deux types : l’écoulement concentré représenté par les cours d’eau et l’écoulement non concentré représenté par des nappes d’eau qui peuvent se former à l’occasion de pluies torrentielles.
En réalité, il n’existe en Tunisie que deux cours d’eaux exoréiques permanentes. Le plus important est, de loin, la Medjerda qui mérite le qualificatif de fleuve. Long de 484 km, ayant beaucoup d’affluents, il couvre un bassin versant de 23.700 km2 dont 16.000 km2 en Tunisie, le reste étant en Algérie orientale. Lorsqu’il atteint sa plaine deltaïque, au-delà de Tebourba, son module brut est de 30 m3/s et sa charge solide de 10 g/l. Lors de la grande crue de 1973, le débit de la Medjerda a atteint 3.500 m3/s. L’autre cours d’eau tunisien qui peut à peine être considéré comme permanent est l’Oued Miliane dont le débit peut atteindre 5.000 m3/s lors de crues de période décennale.
La Medjerda et le Miliane sont des cours d’eau typiquement méditerranéens : débits appréciables en saison froide, indigence grave, voire pénurie complète, en été, crues foudroyantes, démesurées et redoutées en cas de pluies torrentielles en automne, au printemps et en hiver. Les crues sont liées à la concentration et à la violence des averses, aux fortes pentes dans les bassins-versants et à la médiocrité du couvert végétal largement dégradé par les interventions de l’homme. Les autres cours d’eau importants de la Tunisie sont plutôt intermittents. Ils ne connaissent qu’un écoulement occasionnel.
Le régime de ces cours d’eau est extrême puisqu’ils sont soit à sec, soit en crue brutale. L’Oued Zéroud, généralement sans eau, a connu en octobre 1969 un débit instantané de 17000 m3/s. Les lits de ces organismes hydrographiques intermittents présentent des caractères originaux. Il n’y a ni chenal d’écoulement ni lit mineur, mais seulement un lit majeur car les écoulements correspondent toujours à des crues.
L’écoulement non concentré en Tunisie se résume dans le sheet-flood, nappe d’eau d’épaisseur décimétrique qui peut balayer les interfluves lors de pluies torrentielles caractérisées par de forts abats d’eau en très peu de temps. Favorisé par l’absence d’une végétation dense, surtout en Tunisie steppique, il peut engendrer de gros dégâts quand il se manifeste dans des villes, comme à Sfax en octobre 1982, mais il dévaste aussi les champs cultivés et les voies de communication.
En Tunisie, les crues sont de type monogénique, c’est-à-dire ayant une seule cause. Selon Paskoff, une crue-type en Tunisie peut être exprimée par un hydrogramme, représentation graphique de l’événement. La crue monte toujours plus vite qu’elle ne descend. Le temps de concentration écoulé entre le début de la pluie et l’apparition de la crue est très court, ce qui explique les fréquentes pertes dues à des véhicules qui s’avancent imprudemment dans des lits d’oued à des moments de fortes précipitations et qui sont surpris par le front de la masse d’eau déferlante. Les dommages des crues ont souvent été élevés.
En effet, les pluies des mois de septembre et octobre 1969 ont provoqué des dégâts matériels très importants : des ponts entièrement détruits, des tronçons de voies ferrées emportés, des voies intégralement dégarnies ; les ponts endommagés sont très nombreux surtout les ponts ferroviaires ; les routes en particulier ont subi de graves dommages.
Pour plus de détails concernant les dégâts humains et matériels des inondations, l’on peut se référer au tableau récapitulatif qui fait le point de la situation après les principales inondations.
Les crues en Tunisie et les inondations qui s’en suivent sont causées soit par les pluies très fortes d’automne, soit par celles d’hiver et du printemps. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous prenons des exemples précis.
Premier exemple : les pluies diluviennes de l’automne (octobre) 1969.
Des pluies d’une exceptionnelle intensité, atteignant jusqu’à 300 mm par jour et une pluviométrie mensuelle dépassant par endroits les 800 mm, telle a été la situation en Tunisie pendant le mois d’octobre 1969. La carte de la répartition de ces pluies montre les influences déterminantes de l’orientation et du relief.
Le rôle de la latitude, très limité, n’apparaît que dans des régions que ni le relief, ni l’orientation ne favorisent, à savoir l’extrême Sud-Ouest. En effet, les grandes quantités d’eau dans les basses steppes ne peuvent s’expliquer que par l’orientation. La direction du courant perturbé paraît être le Sud-Est ; tout se passe comme si les courants perturbés en provenance du Golfe de Gabès avaient progressé dans trois directions distinctes, la plus importante étant celle orientée vers le Nord-Ouest.
L’influence du relief est sensible dans les régions accidentées qui reçoivent plus d’eau que les zones basses environnantes en Tunisie tellienne, elle n’a qu’une signification limitée au Sud.
Deuxième exemple : les pluies de l’hiver (décembre) 1973.
Des pluies extrêmement importantes ont intéressé certaines régions de la Tunisie pendant la première moitié du mois, provoquant de violentes inondations, particulièrement dans le Centre et le Sud. La disposition des isohyètes montre que la répartition échappe dans une certaine mesure aussi bien au facteur de la latitude qu’au facteur orographique.
Troisième exemple : les pluies du printemps (mars) 1973.
Le cas du mois de mars en Tunisie est remarquable autant par les grandes quantités d’eau enregistrées que par les conséquences qui en découlèrent. Ce mois fut particulièrement pluvieux. Néanmoins, la Tunisie ne fut pas uniformément affectée par les pluies. Les différences qui apparaissent entre les régions s’accentuent vers le sud où la partie saharienne fut la seule à ne connaître que des précipitations faibles. L’influence de la latitude dans la répartition des pluies se discerne par la diminution des précipitations vers le Sud du pays. Néanmoins, si cette influence paraît certaine à l’échelle du pays et s’affirme au Sud de la dorsale, il n’en ressort pas moins qu’en Tunisie tellienne la répartition des pluies se fait indépendamment de la latitude. Le relief explique en grande partie la répartition des pluies. En effet, les plus grandes quantités d’eau correspondent aux régions les plus élevées et les zones accidentées se détachent partout par les fortes pluies qu’elles ont reçues. L’influence de l’orientation a aussi joué son rôle ; le littoral septentrional reçut de grandes quantités d’eau. Il apparaît clairement que le facteur prédominant est celui de la direction du courant perturbé N-W.
Il apparaît que les très fortes pluies sont un phénomène qui a toujours existé en Tunisie. Ces pluies sont une des manifestations du caractère irrégulier, brutal et excessif du climat méditerranéen. Le proverbe tunisien : « Lamentes-toi s’il pleut, lamentes-toi s’il ne pleut pas » résume bien cette extrême irrégularité.
Les pluies très importantes ne sont pas un fait exceptionnel en Tunisie; chaque année, dans quelques régions du pays, des orages d’une violence particulière peuvent déverser des trombes d’eau en un laps de temps très court. L’essentiel des pluies en Tunisie tellienne est le résultat des courants perturbés du N-W car l’apport d’eau par perturbations du N-E est spatialement plus limité (régions orientales et versants exposés)".
Données générales concernant la Tunisie
En Tunisie, les phénomènes d’écoulement qui provoquent des crues, elles-mêmes à l’origine des inondations, sont de deux types : l’écoulement concentré représenté par les cours d’eau et l’écoulement non concentré représenté par des nappes d’eau qui peuvent se former à l’occasion de pluies torrentielles.
En réalité, il n’existe en Tunisie que deux cours d’eaux exoréiques permanentes. Le plus important est, de loin, la Medjerda qui mérite le qualificatif de fleuve. Long de 484 km, ayant beaucoup d’affluents, il couvre un bassin versant de 23.700 km2 dont 16.000 km2 en Tunisie, le reste étant en Algérie orientale. Lorsqu’il atteint sa plaine deltaïque, au-delà de Tebourba, son module brut est de 30 m3/s et sa charge solide de 10 g/l. Lors de la grande crue de 1973, le débit de la Medjerda a atteint 3.500 m3/s. L’autre cours d’eau tunisien qui peut à peine être considéré comme permanent est l’Oued Miliane dont le débit peut atteindre 5.000 m3/s lors de crues de période décennale.
La Medjerda et le Miliane sont des cours d’eau typiquement méditerranéens : débits appréciables en saison froide, indigence grave, voire pénurie complète, en été, crues foudroyantes, démesurées et redoutées en cas de pluies torrentielles en automne, au printemps et en hiver. Les crues sont liées à la concentration et à la violence des averses, aux fortes pentes dans les bassins-versants et à la médiocrité du couvert végétal largement dégradé par les interventions de l’homme. Les autres cours d’eau importants de la Tunisie sont plutôt intermittents. Ils ne connaissent qu’un écoulement occasionnel.
Le régime de ces cours d’eau est extrême puisqu’ils sont soit à sec, soit en crue brutale. L’Oued Zéroud, généralement sans eau, a connu en octobre 1969 un débit instantané de 17000 m3/s. Les lits de ces organismes hydrographiques intermittents présentent des caractères originaux. Il n’y a ni chenal d’écoulement ni lit mineur, mais seulement un lit majeur car les écoulements correspondent toujours à des crues.
L’écoulement non concentré en Tunisie se résume dans le sheet-flood, nappe d’eau d’épaisseur décimétrique qui peut balayer les interfluves lors de pluies torrentielles caractérisées par de forts abats d’eau en très peu de temps. Favorisé par l’absence d’une végétation dense, surtout en Tunisie steppique, il peut engendrer de gros dégâts quand il se manifeste dans des villes, comme à Sfax en octobre 1982, mais il dévaste aussi les champs cultivés et les voies de communication.
En Tunisie, les crues sont de type monogénique, c’est-à-dire ayant une seule cause. Selon Paskoff, une crue-type en Tunisie peut être exprimée par un hydrogramme, représentation graphique de l’événement. La crue monte toujours plus vite qu’elle ne descend. Le temps de concentration écoulé entre le début de la pluie et l’apparition de la crue est très court, ce qui explique les fréquentes pertes dues à des véhicules qui s’avancent imprudemment dans des lits d’oued à des moments de fortes précipitations et qui sont surpris par le front de la masse d’eau déferlante. Les dommages des crues ont souvent été élevés.
En effet, les pluies des mois de septembre et octobre 1969 ont provoqué des dégâts matériels très importants : des ponts entièrement détruits, des tronçons de voies ferrées emportés, des voies intégralement dégarnies ; les ponts endommagés sont très nombreux surtout les ponts ferroviaires ; les routes en particulier ont subi de graves dommages.
Pour plus de détails concernant les dégâts humains et matériels des inondations, l’on peut se référer au tableau récapitulatif qui fait le point de la situation après les principales inondations.
Les crues en Tunisie et les inondations qui s’en suivent sont causées soit par les pluies très fortes d’automne, soit par celles d’hiver et du printemps. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous prenons des exemples précis.
Premier exemple : les pluies diluviennes de l’automne (octobre) 1969.
Des pluies d’une exceptionnelle intensité, atteignant jusqu’à 300 mm par jour et une pluviométrie mensuelle dépassant par endroits les 800 mm, telle a été la situation en Tunisie pendant le mois d’octobre 1969. La carte de la répartition de ces pluies montre les influences déterminantes de l’orientation et du relief.
Le rôle de la latitude, très limité, n’apparaît que dans des régions que ni le relief, ni l’orientation ne favorisent, à savoir l’extrême Sud-Ouest. En effet, les grandes quantités d’eau dans les basses steppes ne peuvent s’expliquer que par l’orientation. La direction du courant perturbé paraît être le Sud-Est ; tout se passe comme si les courants perturbés en provenance du Golfe de Gabès avaient progressé dans trois directions distinctes, la plus importante étant celle orientée vers le Nord-Ouest.
L’influence du relief est sensible dans les régions accidentées qui reçoivent plus d’eau que les zones basses environnantes en Tunisie tellienne, elle n’a qu’une signification limitée au Sud.
Deuxième exemple : les pluies de l’hiver (décembre) 1973.
Des pluies extrêmement importantes ont intéressé certaines régions de la Tunisie pendant la première moitié du mois, provoquant de violentes inondations, particulièrement dans le Centre et le Sud. La disposition des isohyètes montre que la répartition échappe dans une certaine mesure aussi bien au facteur de la latitude qu’au facteur orographique.
Troisième exemple : les pluies du printemps (mars) 1973.
Le cas du mois de mars en Tunisie est remarquable autant par les grandes quantités d’eau enregistrées que par les conséquences qui en découlèrent. Ce mois fut particulièrement pluvieux. Néanmoins, la Tunisie ne fut pas uniformément affectée par les pluies. Les différences qui apparaissent entre les régions s’accentuent vers le sud où la partie saharienne fut la seule à ne connaître que des précipitations faibles. L’influence de la latitude dans la répartition des pluies se discerne par la diminution des précipitations vers le Sud du pays. Néanmoins, si cette influence paraît certaine à l’échelle du pays et s’affirme au Sud de la dorsale, il n’en ressort pas moins qu’en Tunisie tellienne la répartition des pluies se fait indépendamment de la latitude. Le relief explique en grande partie la répartition des pluies. En effet, les plus grandes quantités d’eau correspondent aux régions les plus élevées et les zones accidentées se détachent partout par les fortes pluies qu’elles ont reçues. L’influence de l’orientation a aussi joué son rôle ; le littoral septentrional reçut de grandes quantités d’eau. Il apparaît clairement que le facteur prédominant est celui de la direction du courant perturbé N-W.
Il apparaît que les très fortes pluies sont un phénomène qui a toujours existé en Tunisie. Ces pluies sont une des manifestations du caractère irrégulier, brutal et excessif du climat méditerranéen. Le proverbe tunisien : « Lamentes-toi s’il pleut, lamentes-toi s’il ne pleut pas » résume bien cette extrême irrégularité.
Les pluies très importantes ne sont pas un fait exceptionnel en Tunisie; chaque année, dans quelques régions du pays, des orages d’une violence particulière peuvent déverser des trombes d’eau en un laps de temps très court. L’essentiel des pluies en Tunisie tellienne est le résultat des courants perturbés du N-W car l’apport d’eau par perturbations du N-E est spatialement plus limité (régions orientales et versants exposés)".
1 commentaire:
Est-ce que l'on peut espérer pouvoir un jour naviguer sur la medjerda avec des pluies d'une telle ampleur et plus régulières plus espacés sur l'année ?
Si c'est le cas je me fai un bateau ou une petite felouque .
Enregistrer un commentaire