13 juin 2009

L'oubli des droits

(Getty Images)

"(...) Des écoliers à qui on avait demandé de représenter un symbole de leur pays à la place de la statue d'Ibn Khaldoun (le père de la sociologie), ont dessiné une fourgonnette de police.
Ces fameuses baga, d'un bleu sinistre, sillonnent la capitale en tous sens. C'est un soir de mai parmi d'autres. Un véhicule de police fonce à tombeau ouvert en direction de la cité Ennasser, un de ces quartiers nouvellement construits qui ont bouleversé le coeur de Tunis. Ennasser n'est qu'un vaste chantier avec ses milliers de logements en construction. C'est l'eldorado des Mramajia, journaliers venus des régions les plus déshéritées de la Tunisie en quête d'un boulot. Pour surprendre ces clandestins, la fourgonnette tourne brusquement dans une ruelle proche d'un immense chantier. La foule s'écarte. La baga déverse policiers et chiens loups pour boucler la zone.

Facilement repérable avec son sac sur l'épaule et ses bottes de chantier, un jeune homme descend le grand boulevard d'Ennasser sans se méfier. Ce n'est qu'en butant sur deux policiers qu'il réalise le piège. "Papiers !" : le malheureux fouille frénétiquement ses poches en quête d'une pièce d'identité. La plupart des victimes de ces contrôles ne savent même plus si elles sont en règle. Les policiers regardent rapidement les papiers, à supposer qu'ils sachent lire, avant de les confisquer. Abasourdi, le jeune homme reste là, attendant docilement que les policiers appréhendent d'autres personnes.

En quelques minutes, un groupe d'hommes complètement affolés se forme. D'un côté de la rue à l'autre, ils crient de prévenir un tel ou un tel qu'ils ont été arrêtés et qu'on fasse quelque chose pour les faire relâcher. Mais leurs compagnons encore libres entendent-ils seulement leur message, trop heureux de pouvoir filer loin de la zone dangereuse ?

Les raflés seront alignés le long de la palissade, puis bourrés à coups de pied et coups de poing dans la baga. Sans ménagement, le chauffeur referme la porte et vérifie qu'elle est bien verrouillée. Direction Bouchoucha, le centre de détention. Là, la police prendra son temps pour faire le tri. Les uns seront envoyés au service militaire, d'autres seront condamnés pour vagabondage et refoulés vers leurs régions. Seuls les plus chanceux, parce qu'ils ont un parent ou un employeur bien placé, seront relâchés. Dans ce climat de contrôles permanents, qui connaît en
core ses droits ?" par Denise Williams, Taoufik Ben Brik


On a du mal à croire que ce mode d'interpellation, qui rappelle les pires moments de la seconde guerre mondiale, est aujourd'hui toujours appliqué en Tunisie. Et pourtant, c'est ce qui se passe depuis quelques jours...Est-il concevable qu'une partie de la population doive se cacher et se priver quasiment de liberté de circuler, juste pour échapper à cette opération de nettoyage? Il ne s'agit pas de remettre en question le devoir d'accomplir son "service militaire" dans un pays aussi "paisible" que la Tunisie, mais de poser le problème du recours systématique à la force et à l'arbitraire, même quand il s'agit d'appeler les gens à respecter leurs obligations citoyennes.

"Le service National est synonyme de renforcement de l’intégrité du pays, consolidation du développement du pays et de l'égalité entre les citoyens."

C'est ce qu'on peut lire sur le site de la Défense tunisienne. Celà sonne comme une devise...

Mais faut-il pour atteindre ces objectifs bafouer l'intégrité du citoyen en l'interpellant de force et par surprise dans la rue ou dans des lieux publics? Et ces rafles, dont les premières victimes sont les plus démunis et les moins pistonés, -parmi eux les chômeurs-, ne font au contraire que renforcer les inégalités entre citoyens...

Les services militaires tunisiens se trompent soit de méthode, soit de devise...

10 commentaires:

Monsieur Untel a dit…

"Les services militaires tunisiens se trompent soit de méthode, soit de devise..."

ou des deux à la fois...

ramzi a dit…

drole dialogue avec la jeunesse .
malla hiwar maa echabab
peut-étre le 7 novembre adore retourner au passé : la nostalgie de l'époque bourguibienne.*


* dans les années 80 un des mes cousin a passé deux calvaire nuit au poste de gorgani ( un nombre de 500 personnes sont traiter comme des sardines pour une salle normalemennt devrait contenir 50 personnes ) méme si il était un étudient a cet époque , aperés verification de sa statut et a sa sortie le lendemain il l'ont (la police) obliger d'acheter une billet de loterie , sinon il retournera a l'armée .



ramzi.

Issam a dit…

"Le service National est synonyme [...] de l'égalité entre les citoyens."

Chiche !

Je mets au défit le ministre de la défense nationale de fournir les attestations prouvant que le Gominé et le matelot bricoleur aient accompli leur service national... que ça soit sous sa forme civile ou militaire ...

Issam a dit…

"Le service National est synonyme [...] de l'égalité entre les citoyens."

Chiche !

Je mets au défit le ministre de la défense nationale de fournir les attestations prouvant que le "Gominé" et le "Matelot bricoleur" aient accompli leur service national... que ça soit sous sa forme civile ou militaire ...

Selim a dit…

@Ancien combattant : Oui, ou les deux à la fois..:)

@Ramzi: Merci de ton témoignage. Le 7 Novembre est dans la continuité de l'époque Bourguibienne sur plusieurs point, les plus noirs surtout...

Issam: Ces gens sont malheureusement au dessus de la loi...

Anonyme a dit…

moi je suis pour le contrôle dans le cadre de la loi et le respect. Il n'est pas normal que quelqu'un se ballade sans CIN sur lui. et puis le service militaire ce n'est une insulte. on apprend beaucoup de choses, meme pour les mrammagias, qui sont incultes d'ailleurs et c'est une occasion de se former. Je suis cadre et j'ai fait mon service militaire actif. Cessez de dénigrer les institutions. c'est tout ce qu'il nous restera apres le déluge

Selim a dit…

@Anonyme: Vous confondez dénigrement des institutions et critique des rafles comme technique de recrutement qui terrorise la population...J'ai bien précisé que je ne remettais pas en question le service national...

Amira Yaakoubi a dit…

En fait, en Tunisie, le service militaire est vécu comme une punition contrairement à plusieurs autres pays;
il s'agit effectivement, Entre autre d'une opération de nettoyage, histoire de passer un été tranquille;
ces "rafles" sont pratiqués sur tout le territoire tunisien;
je ne crois pas que c'est une mauvaise chose, mise à part barbarie et brutalité,
ceux qui effectuent leurs services militaires, surtout chaumeurs auront l'occasion d'intégrer le corps militaire ce qui leur permettera des revenus stables,
et n'essayons pas de se cacher la vérité car ces opérations sont aissi ciblées, c'est à dire qu'elles s'attaquent aux foyers suspects (extrémisme, crimes et autres...) pour démonteler en quelque sorte ces réseaux;
j'ai eu des stages hospitatliers qui m'ont permis d'avoir des contacts avec des "salafiyin" qui passaient leurs service militaire, je vous assure qu'il y a un changement du comportement de ces personnes, certains ont même décidé d’intégrer le corps militaire !
et de vous à moi, essayez de parler avec ces personnes, elles ne comprennent ni la notion de liberté ni celle de démocratie et c'est complétement illusoire de croire leur en faire bénéficier ;
Il y a un énorme probléme d’education et de pauvreté qui jette les plus démunis dans la gueule de l’extrémisme religieux et de la délinquence ;
Ces personnes ont besoin d’un encadrement et d’une aide !
La discipline militaire semble pour le moment l’alternative la plus efficace , ce n’est pas une solution mais juste une action palliative,
A mon avis c’est le systéme éducationnel tunisien qui est défaillant puisqu’il ne prépare pas correctement les enfants à faire face aux problémes ;
Je vous donne l’exemple de l’Angleterre ou un programme a choisit 200 écoles primaires ou une initiation à la philosophie a été pratiquée,
le fait d’apprendre aux enfants comment il faur raisonner logiquement, de les initier à poser des questions et à ne pas sacraliser les dogmes a fait que ces derniers ont eu de meilleurs resultats scolaires, promesse d’un avenir plus rose ;
notre société n’est pas arrivée au niveau de conscience qui lui permetterait de clamer ces droits ni d’en bénéficier, il faut être réaliste !
« li kolli cha3b al 7akim alladhi yasta7e99ouhou »

Selim a dit…

@Pink: Dois-je comprendre de ton raisonnement qu'il serait illusoire de faire bénéficier une certaine catégorie de la population de leur droits, juste parce qu'ils ne les comprennent pas ou qu'il ne sont pas conscient de l'existence de leurs droits? Pas tout à fait d'accord avec celà. Les droits sont des acquis assurés par la constitution, chaque citoyen devrait en bénéficier, quelque soit son niveau d'éducation ou de dogmatisme. Je suis d'accord avec le fait que le service national peut représenter pour certaines âmes égarées une deuxième chance de réinsertion dans la société. Encore faut-il pouvoir leur proposer cette seconde chance par une autre façon que la force!

el pink a dit…

on est d'accord sur tout ce qui concerne la force, la brutalité...
ce n'est pas la maniére adequate, du moins pas humainement;
le probléme actuel avec les personnes qui ne comprennent pas la démocratie et les libertés est que ces derniéres n'ont pas la base pour pouvoir en profiter,
je ne suis pas pour la barbarie mais parfois malheureusement la non communication reste le seul moyen de communication;
comment un amputé des bras peut-ils bénéficier du port de gants?
Là est le probléme;
il est beaucoup plus facile et surtout plus apaisant de dire que c'est une phase de chaos caractérestique de tout changement!