24 décembre 2011

Tunisie : premiers pas trébuchants d'un nouveau gouvernement


                                                    Hamadi Jebali, chef du gouvernement

Malgré le vote de confiance de l’assemblée constituante obtenu hier soir, le gouvernement Jebali, à peine formé, est accueilli avec les critiques de l’opposition et les suspicions de la société civile.

Beaucoup pointent l’inexpérience des membres de la nouvelle équipe gouvernementale, composée essentiellement d’anciens militants et prisonniers politiques, ainsi que le mode de distribution des portefeuilles ministériels, qui repose davantage sur un système de prime à l’opposition au régime de Ben Ali que sur des critères de compétences.

Le résultat final s’en ressent fortement : nous voila avec une équipe pléthorique dont la finalité était manifestement de récompenser les sacrifices consentis par les grandes figures des partis de la Troïka plutôt que de répondre aux défis d’une transition qui se corse avec la crise économique. Nos politiques se sont montrés aussi impatients que leurs concitoyens pour récolter le fruit, pourtant encore peu mûr, de la révolution. Et les grands opposants de Ben Ali se sont rués vers les postes et les titres, négligeant au passage leurs propres formations politiques.

Les deux mois de batailles partisanes et de tractations serrées qui ont précédé la formation du gouvernement causent pas mal de dégâts dans les partis qui ont accepté de faire partie du gouvernement, le CPR et Ettakatol en premier, avec des démissions et des dissidences fortes en leur sein.  Les partis de la Troïka, désormais privés de leurs dirigeants historiques, se retrouvent extrêmement fragilisés après ces premières élections. Ils sont aujourd’hui obligés de faire leur mutation, pour se transformer de clubs politiques qui tournent autour de la personne du grand dirigeant vers de véritables formations bâties sur la base d’un projet clair, à même de rapprocher la base militante de ses instances gouvernantes plutôt que de les séparer, comme nous pouvons le constater aujourd'hui. 
   
La formation du gouvernement révèle surtout les difficultés que rencontre cette coalition hétérogène qui va des socialistes aux islamistes en passant par la gauche nationale. Son Chef, M. Jebali, a de fait été incapable de proposer des actions concrètes et un programme précis, en l’absence de vision commune aux membres qui forment la Troïka. Il s’est simplement contenté d’une déclaration de bonnes intentions en guise de feuille de route gouvernementale. Insuffisant, au regard de la situation de crise dans laquelle se trouve le pays. Ainsi, tout le temps passé, depuis le vote du 23 Octobre, à négocier la composition de l’équipe peut être considéré comme du temps perdu sur l’agenda des réformes urgentes et nécessaires pour redresser le pays. Le pays s'apprête à affronter une année 2012 difficile, sans budget arrêté...

Difficile dans ces conditions de ne pas comprendre la déception et le blues des tunisiens qui découvrent, ébahis devant cette tragi-comédie politique, une nouvelle équipe gouvernementale dont la formation est entachée de zones d'ombre. Soupçons de copinage sur certaines nominations, soupçons d’interventionnisme étranger pour d’autres, de nouveaux ministres qui mettent en avant leur appartenance partisane plutôt que leur appartenance gouvernementale, etc. les polémiques ne cessent de fragiliser le nouveau gouvernement avant même qu’il ne soit entré en action. Ce qui n’aide pas à rassurer les tunisiens, perdus dans la confusion actuelle. Une confusion aggravée par un climat social toujours tendu, et par des performances économiques dans le rouge. Une crise sociale profonde remue le pays entier, sur fond de régionalisme, de lutte des classes de fracture identitaire

Pendant ce temps, institutions, comportements et habitudes n’ont pas changé. Le nouveau gouvernement hérite d’une administration centralisée et inféodée au pouvoir, et d’un système verrouillé, aux mécanismes de clientélisme et de népotisme bien huilés, et dont les réseaux d’influence résistent toujours à l’onde de choc révolutionnaire. De quoi donner des tentations d’hégémonisme au nouveau pouvoir en place, faute de réforme institutionnelle et administrative de fond. Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer le comportement de nos journalistes pour comprendre que les réflexes mauves sont durs à changer

Comment le gouvernement de Jebali va-t-il redresser la barre pour gagner la confiance des populations ? Ses premières actions seront déterminantes pour y arriver. L’opposition arrivera-t-elle, avec le temps, à s’imposer comme une alternative crédible ? Rien n’est encore sûr, tant elle peine à tirer les leçons de sa défaite électorale. Ainsi, les premiers pas de la Tunisie vers la démocratie sont pour le moins chaotiques. Il est évident que la tâche ne sera pas facile, et que le risque d'un retour en arrière n'est pas complètement écarté. La vigilance citoyenne reste donc de mise. 



6 commentaires:

Ines a dit…

En tant que citoyenne, ce que j'ai le plus regretté c'est la sous-représentativité des femmes dans ce gouvernement. La Tunisie s'est toujours targuée d'être en avance en matière de droit des femmes, là pr le coup c'est un gros fail!

Anonyme a dit…

pour moi déjà gannouchi à nommer ses deux gendres au ministère qui peut faire pire que les trabelsi c'est les islamistes ,

Anonyme a dit…

@ines
hélas nos femmes ont salé l'image de la tunisie à l'étranger en demandant l'ingérence extérieure (lina ben mhenni,salma bakkar,nadia el feni...) vaut mieux laisser les hommes travailler et ne pas se reposer sur des femmes qui aiment l'occident et non pas leurs propre pays

Selim a dit…

@2ème anonyme : votre commentaire sur les femmes est d'un simplisme déconcertant...Tout comme les RCDistes faisaient pour attaquer leurs contradicteurs, vous évoquez "l'image de la Tunisie" qui serait salie par deux ou trois femmes (des plus courageuses soit dit en passant pour Lina et Salma) alors que la Tunisie n'a jamais bénéficié d'une image aussi positive à l'échelle internationale...Votre haine aveugle de l'occident vous perdra.

beheeddine a dit…

#TnGov : le chantier est énorme .. il sera vraiment difficile de réussir si tous les tunisiens ne prennent pas conscience du fait que la Tunisie est pour nous tous et non pas celle de #Ennahdha & Co. .. vouloir l'échec de ce gouvernement = vouloir l'échec de toute la #Tunisie .. avec les conséquences que nous redoutons tous .. les débats sur la compétence etc des ministres n'apportent rien au couffin du pauvre .. et encore moi au compte bancaire du chômeur .. une opposition qui ne condamne pas les blocages économiques et les sit-ins .. mais qui scrute les CVs des ministres n'est surement pas la "bonne" .. PS : c quoi la définition de "la Société civile" ?

Anonyme a dit…

@annonyme 2:tu est vraiment l'image de la bêtise humaine pour pas dire autre chose de plus bête ,en faite ses femmes là ne pense pas comme toi alors tous simplement elles sont sales que tu peut dire de pire que les dictateurs ,à cause des gens comme toi la haine existe et la connerie aussi.