C’est durant les périodes électorales comme celle que nous nous apprêtons à vivre en Tunisie que nous pouvons nous rendre compte de l’extrême pauvreté du débat social et politique qui prévaut dans notre pays. C’est aussi le moment de mesurer à quel point le citoyen tunisien est déconnecté et désintéressé de la chose publique.
Il est vrai que les conditions nécessaires au bon déroulement du processus électoral sont loin d’être réunies pour que le citoyen s’y intéresse vraiment : faux décor pluraliste, absence de réel enjeu politique, absence de presse libre et d’institutions indépendantes qui sont sensés favoriser le débat et la compétition électorale.
Mais au-delà des conditions défavorables, qu’est ce qui empêche les tunisiens de participer quand même au jeu et de s’exprimer, quand l’occasion de le faire leur est donnée ? Pourquoi les tunisiens ne croient-ils pas aux élections ?
Peu de tunisiens ressentent qu’ils ont le pouvoir, en tant que citoyens, de changer les choses ou d’y contribuer à travers leur vote. Ce manque de confiance dans le système électoral peut être justifié par son opacité et par les fraudes qui biaisent les résultats à chaque fois. Tout processus électoral ne peut aboutir s’il n’y a pas un minimum de confiance dans les institutions qui le régissent.
Voter, c’est aussi faire un choix. Sauf qu’en Tunisie, il n’y a pas de choix à faire : les mouvements d’opposition sont soit interdits, soit très faibles et sans assise populaire. En l’absence de programmes de réformes claires, sur quels critères l’électeur pourra se baser pour déterminer son choix ?
Mais surtout, et c’est peut-être la raison la plus importante qui empêche les citoyens de sortir de leur passivité, peu de tunisiens sont aujourd’hui prêts à payer le prix du changement, et à renoncer à leurs acquis, qu’ils soient économiques ou sociaux. La peur de l’anarchie que peut générer un changement un peu trop brusque hante les esprits, et bloque toute tendance au changement.
On peut aussi entendre par ci et là d’autres arguments qui sont sensés expliquer notre déficit démocratique et notre tendance à accepter notre « moindre mal » actuel. Il y a bien sûr le spectre de l’islamisme, qui serait aujourd’hui la seule force politique qui pourrait bénéficier d’une popularité suffisante pour l’emporter sur tous les autres courants. Mais que penser alors de l’Iran, cette théocratie islamique qui peine à faire face à l’élan démocratique initié par son propre peuple suite aux dernières élections? Que penser de la Turquie, et d’autres états islamiques asiatiques qui arrivent malgré tout à engager des processus de réformes démocratiques? Que penser aussi des dernières élections au Liban, qui s’est soldée par la victoire de la coalition du 14 Mars, sur celle du 8 Mars, à laquelle le Hezbollah appartient?
Je ne pense pas que ça soit l’Islam politique qui nous empêche de nous exprimer librement, ni encore notre culture arabo-musulmane qui ne serait pas compatible à la démocratie « à l’occidentale », ni même le fait que notre peuple soit immature et incapable donc de séparer le bien du mal – le peuple tunisien est au contraire de plus en plus éduqué et accède plus facilement à l’information non contrôlée- ; Mais c’est bien ceux qui nous gouvernent qui nous privent de ce droit fondamental, celui de choisir nous-mêmes nos représentants…Car cela n’est tout simplement pas dans leur intérêt !
7 commentaires:
Le machin islamiste est une grosse connerie, un gros mensonge pour maintenir une famille au pouvoir, rien de plus. C'est l'Etat qui a donné naissance au mouvement islamiste avec Bourguiba, et c'est l'Etat qui continue l'abrutissement général avec son populisme religieux à la con. L'Etat aime les islamistes, les islamistes aiment la dictature, chacun trouve leur compte dans l'état acutel des choses. Le mauve aime le vert comme le vert aime le mauve, le nouveau billet de 50 dinars en est témoin..
Le Tunisien sage et lucide ne doit pas voter. En plus le vote blanc n'existe pas. Au moins avec un vote blanc, on peut exprimer notre mecontement vis-a-vis une situation politique stupide et ridicule.
Le gouvernement excerce la langue de bois. Les opposants excercent a leur tour la langue de bois, en plus, ils ne ressemblent a rien.
Voter, ou ne pas voter, il y'aura dans les statistiques 99.99% comme taux de participation, et le RCD passera avec au moins 90% des voix.
Alors pourquoi se casser la tete?! C'est peut etre une chance pour le Tunisien, il ne se casse pas la tete pour la politique.
La seule explication au désintéressement des tunisiens et à la faillite de notre système politique est les 2 dernières phrases de ton post ...sans la liberté d'expression ... rien ne se fera sans cette liberté essentielle...et ceux qui nous gouvernent en sont conscients et ne sont pas prêts à céder un pouce vers la liberté d'expression ...
@Aayech: Après avoir détruit le parti islamiste, on joue sur la peur de l'islamisme "rompant" pour perdurer.
@Soufiene: Normalement, la politique ne devrait pas être un casse-tête, mais un moyen de faire progresser le pays..
@anonyme 17: la liberté d'expression est la clé de tout, c'est pour cela qu'elle est sévèrement punie.
Merci pour vos commentaires
en fait c'est le systéme qui désengage le tunisien des décisions à prendre et du coup il ne s'identifie plus comme tunisien!
une amie à moi a fait un sondage pour son mémoire l'année derniére;
le sujet était: L'IDENTITE.
et bien et aussi étonnant que celà puisse paraitre, le tunisien se définit plus comme citoyen du monde que comme citoyen tunisien!
il a finit par perdre son intéret à toutce qui à lieu dans son propre pays!
nchalla kif tahbet el tounes twwa tchouf que il n'y a absolument rien!
c'est comme si on vivait dans n'importe quelle années de celles qui on précédé!
pas de candidats connus
pas de "propagande"
personellement je ne sais même pas les dates exactes des élections!
(je vais me renseigner 3la el faza:)
Personnellement, j’ai mal au cœur à chaque fois que je me rappelle que c’est une année électorale, la grande imposture ! J’aurai préféré qu’on ne les ait pas, au moins on se fout pas de la gueule des gens. Je ne vote pas car pour moi on n’a pas le choix, en même temps, je me dis ce n’est pas en restant les bras croisés que cela va changer ! si au moins on avait le vote blanc… Des fois, j’essaie de relativiser avec la phrase d’Albert Camus : « Que préfères-tu, celui qui veut te priver de pain au nom de la liberté ou celui qui veut t'enlever ta liberté pour assurer ton pain ? »… les deux, c’est trop demandé ?:)
@Pink: Tu as raison d'évoquer le problème d'identité. Le vote est un droit/devoir civil qui est sensé compléter l'identité citoyenne par la participation à la vie publique...
@Sarah: Merci pour cette superbe citation, qu'on peut facilement transposer à notre situation:)
Enregistrer un commentaire