26 décembre 2009
La Tunisie modèle de tolérence et de dialogue
L'image de la Tunisie s'est beaucoup détériorée depuis le dernier forcing "électoral" et la campagne de dénigrement et de répression des voix libres qui a suivi et qui se poursuit. Malgré une communication plus offensive répondant au coup par coup aux critiques et la multiplication des efforts de propagande, le pouvoir peine à rétablir son image d'avant, celle de garant de l'équilibre social et de la démocratisation progressive d'un pays paisible et ensoleillé... Cette mauvaise posture l'oblige à déployer davantage de moyens pour reconstruire son capital confiance, comme la récupération de toute mention positive et son amplification parfois à un point qui frise le ridicule...Deux exemples parmi d'autres de récupération et d'amplification maladroites marquent cette fin de semaine : l'ONU qui proclame 2010 année internationale de la jeunesse à l'initiative de la Tunisie, et la fille adoptive des Chirac qui salue le modèle tunisien et le cite en exemple de tolérance.
Alors que l'Assemblée Générale des Nations Unies n'a pas jugé utile de mentionner l'initiative tunisienne dans son seul et unique communiqué à ce sujet, la nouvelle a été intensivement relayée par les médias tunisiens donnant lieu à un concert de louanges et à des poussées de fierté pour saluer "un nouveau témoignage édifiant de la grande estime que voue la communauté internationale à la Tunisie et à son Président". Beaucoup de bruit pour une simple résolution adoptée sans vote par la bureaucratie onusienne et très peu relayée dans les médias internationaux...
Quant à la fille Chirac, quand son père affirmait en 2003 en Tunisie que "le premier des droits de l’Homme, c’est de manger, d’être soigné, de recevoir une éducation et d’avoir un habitat", elle a pour sa part eu la gentillesse de rajouter à la liste des droits "permis" aux tunisiens celui "de pratiquer la religion de son choix", tout en ignorant comme son père les autres droits et libertés qui sont systématiquement bafoués en ce moment en Tunisie. Qui sait, un jour viendra peut-être où les Chirac reconnaîtront aussi aux tunisiens leur droit à une société civilisée, juste et libre...
Ni les satisfécits de l'ONU ni les paroles d'une Chirac ne masqueront l'état de forte tension et la répression sévère que subit actuellement la société civile tunisienne. Cette quête de "bons points" pour se crédibiliser est d'autant plus ridicule que ce pouvoir qui se place comme modèle de tolérance et de dialogue avec la jeunesse aux yeux du monde continue d'envoyer en prison de jeunes étudiants syndicalistes et militants en Tunisie. C'est sur ses actes qu'un gouvernement est jugé et non par les paroles. Et ce sont ceux qui en parlent le plus, qui en font le moins...
Photo de Mohamed Soudani, étudiant syndicaliste emprisonné
15 décembre 2009
Identité Patriote
Tout comme le (faux) débat sur l'identité nationale qui se déroule actuellement en France, le (faux) débat sur "l'identité patriote" instauré par le pouvoir en Tunisie depuis les dernières élections ne sert qu'à exclure un pan de la société de sa propre identité.
Le débat sur l'identité nationale en France a pour effet de dresser un mur entre les français d'origine étrangère et ceux qui sont dits de souche, comme pour définir des contours à l'identité française. En Tunisie, on essaie de dresser un mur entre les partisans du pouvoir, et ceux qui osent le critiquer et dénoncer ses excès, comme pour définir des limites à la critique et à l'opposition à sa politique. Dans les deux cas, l'élément de peur employé est le même : la peur de l'étranger, ou plutôt de "l'agent de l'étranger" dans le cas tunisien...
En France, le débat sur l'identité nationale est mené par l'UMP, le parti de droite au pouvoir, pour qu'il puisse s'attirer la sympathie des électeurs les plus à droite en vue des prochaines élections régionales de mars 2010. En Tunisie, le débat est mené par le pouvoir et ses proches, depuis les dernières "élections", pour contre-dire les nombreuses critiques qui les ont entaché. Dans les deux cas, le débat est instrumentalisé à des fins politiciennes sans fond et sans qu'il y ait une réelle volonté de débat. On joue sur les symboles de la nation, et sur les sentiments enfouis de fierté nationale et de patriotisme des citoyens, pour les amener à choisir un camp...et donc à s'exclure les uns et les autres.
Malgré ces ressemblances de forme, les situations dans les deux pays sont pourtant très différentes . En France, ce débat pourrait être justifié par ses partisans - s'il n'était pas instrumentalisé - parce qu'il se base sur une réalité sociologique et démographique et qu'il pose la question de l'intégration de certaines communautés religieuses, ethniques, etc. dans la société française. En Tunisie, ce débat injustifiable pose la question de l'exclusion de certaines communautés journalistiques, militantes, et politiques de la société tunisienne juste parce qu'elles expriment leurs opinions, leur opposition et leurs critiques. En France, c'est une question sociale qui est débattue sur la scène politique. En Tunisie, c'est une question politique qui est entrain de créer un malaise social supplémentaire dans la société tunisienne. Dans les deux cas, ces débats ne peuvent être que dangereux, parce qu'ils risquent d'exclure et de mener à la négation des spécificités qui caractérisent toute société, qu'elles soient culturelles dans le cas de la France, ou idéologiques dans le cas de la Tunisie.
Caricature de _z_, DebaTunisie
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