A deux semaines du vote tant attendu et craint à la fois, la bataille électorale fait rage en Tunisie.
Attentes et espoirs
Attendu, parce que l'élection d'une assemblée constituante le 23 Octobre prochain représente un moment historique et une grande étape dans le parcours révolutionnaire dans lequel le pays s'est engagé. L'élection d'une assemblée nous éloignera alors du temps de la dictature, et nous rapprochera davantage de la nouvelle République tant espérée. Attendu, parce qu'une majorité de tunisiens aspirent à rompre, plus ou moins radicalement, avec l'ancien système corrompu et ses sphères clientélistes; et à retrouver un semblant de stabilité avec des instances gouvernantes légitimes et réprésenttives de la volonté populaire.
Craintes et mauvais souvenirs...
Craint, parce que l'exercice est inédit, inconnu et non maîtrisé par tous les tunisiens. Les gens craignent que la bataille de programmes et de propositions en cours ne se transforme en bataille des rangées entre militants de différents courants à l'issue du scrutin. Ils craignent que les partis politiques ne soient de mauvais joueurs, si toutefois le résultat du scutin n'était pas à leur avantage. Ils craignent d'être décus, tout simplement, de la composition de la future assemblée. La récente alerte à l’attention des voyageurs américains émise par le Département d’Etat américain est venue renforcer ce climat de psychose...
Il faut dire que personne ne garde de bons souvenirs des dernières législatives pluralistes organisées en Tunisie en avril 1989, qui a consacré la popularité des islamistes dans plusieurs gouvernerats du pays, (avec des scores de plus de 25% réalisés à Bizerte, à Ben Arous, à Tozeur et Kébili...), et qui a généré une longue période de répression, de violences et d'autoritarisme partout dans le pays. Personne n'a oublié, aussi, la période noire vécue par les algériens voisins suite à la victoire du FIS aux législatives de 1991, et la guerre civile qui s'en est suivie.
Quelle future assemblée?
Tout le monde est donc suspendu à cette date fatidique du 23 Octobre, et se demande quelle sera la suite des évènements?
Dans le meilleur des cas, les gens espèrent la naissance de coalitions et la formation d'un certain équilibre des forces au sein de l'assemblée qui puisse favoriser le débat sans handicaper l'avancée des réformes. Le scénario qui inquiète est celui où l'on pourrait se retrouver avec d'un côté, un bloc hégémonique, et de l'autre, l'éclatement des sièges entre de multiples petites formations incapables de se regrouper, un schéma qui favoriserait les divisions et les disputes interminables. Des scénarios qui ne tiennent compte ni des centaines de candidats indépendants à l'assemblée, ni de la place qu'occuperont les "destouriens", braves héritiers des dictatures de Bourguiba et de Ben Ali, et qui font tout pour ocupper le plus grand terrain dans la future assemblée...
Pour l'instant, les principaux partis n'ont pas complètement rabattu toutes leurs cartes. L'individualisme l'emporte encore au sein des grandes formations comme Ettakattol, Al Kotb (Pôle Démocratique Progressiste, qui monte en force depuis un certain temps), le PDP, etc. Même si ce dernier parti commence à tendre la perche aux autres, se positionnant déjà comme leader de l'éventuelle future coalition...
Le parti Ennahdha, quant à lui, continue de développr une quasi-obssession du légalisme et du concenus, et de cultiver le tabou de la violence que certains lui prêtent. Plutôt que de parler de l'islam comme référentiel originel, ils préfèrent mettre en avant leur ancrage dans la morale et dans les valeurs arabo-musulmanes, se positionnant ainsi comme un parti conservateur, mais "civil" et "normalisé" dans le jeu démocratique. Ils s'enorgueillent de leur popularité supposée, avec comme seul crédo : "n'ayez pas peur de nous, on ne vous fera pas de mal" pour conquérir les voix les plus sceptiques.
Une chose est sûre, tout cela dépendera d'un seul facteur, le taux de participation à ce vote. Plus les tunisiens voteront en masse, meilleure sera la représentativité de la future assemblée, plus forte sera l'impulsion qu'ils pourront lui donner et plus grande sera sa responsabilité face à ce peuple qui n'aspire qu'à une seule chose, un meilleur avenir.
Source Image : AFP/FETHI BELAID
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