Cela n'a échappé à personne, la période de transition en Tunisie est un moment de grande confusion. Le débat actuel sur la date de l'élection de l'assemblée constituante en est le parfait exemple. Et le rythme de la transition devient un facteur important et déterminant de la réussite de la révolution.
La difficulté réside dans le fait que le rythme de transition doit être suffisamment rapide pour satisfaire les attentes et les espoirs de la population, leur donner de nouveaux repères et apaiser leurs inquiétudes. Mais le changement ne doit pas non plus se faire dans la précipitation au risque de fragiliser les bases d'une future démocratie.
Exercice difficle quand on sait la propension actuelle des acteurs politiques et des citoyens à s'emporter, à trancher rapidement et à se diviser sur à peu près tous les sujets de débats, alors que l'importance du moment exige de nous d'avancer de façon concertée, pragmatique et dénuée de tout calcul partisan.
Fini le temps de la fougue révolutionnaire, place à la dure réalité de la transition : celle d'un pays qui passe en quelques semaines d'une dictature de parti unique qui dirigeait d'une main de fer à une situation de foisonnement de partis, de projets et d'idéologies qui demeurent inconnus de la majorité de la population. Tout est à reconstruire et en l'absence de gouvernance légitime, la seule issue pour prendre des décisions acceptables reste celle de la négociation et du consensus.
Pour arriver à ce consensus, il faudra réussir à extraire nos débats et nos réflexions de tout idéalisme, pessimise, égocentrisme et autres théories du complot. Il faudra être le plus réaliste possible dans l'évaluation des difficultés et le plus engagé aussi dans la concrétisation des objectifs de la transition.
Si la Haute Instance Indépendante pour les Elections, le gouvernement de transition et les partis politiques arrivaient à s'entendre sur le rythme de la transition, on aura franchi un grand pas et le débat dépassera les questions de dates et de crédibilité pour se centrer sur la réussite de la transition avec le moins de risques possibles sur les plans sécuritaire, social et économique.
Alors qu'ils se sont précipité dans leur parade électorale, que les principaux partis politiques nous prouvent d'abord qu'ils sont capables de servir l'intérêt du pays avant le leur. Et pour que le gouvernement de transition gagne en crédibilité, qu'il démontre sa bonne volonté à respecter l'indépendance des différentes parties et à partager la prise de décision.
Source photo : ici.
26 mai 2011
07 mai 2011
Tunisie : la contre-révolution en marche
L'affaire de la video scandale de Farhat Rajhi prend une tournure grave et dangereuse. En quelques heures, le pays qui se trouvait déjà dans une situation précaire liée aux difficultés de la phase de transition, sombre de nouveau dans la violence. Un mort, des journalistes agressés, des manifestants arrêtés...nous assistons depuis hier à un triste spectacle digne des pires heures de la dictature Ben Ali.
Si la déterioration rapide de la situation prouve une nouvelle fois l'extrême fragilité d'un pays en convalescence, ces évènements témoignent surtout de l'irresponsabilité de ceux qui en sont à l'origine : un juge et ex-ministre qui lance de graves accusations devant une caméra sans avoir le courage de les assumer ensuite et qui croit vraiment pouvoir accéder au pouvoir grâce à Facebook; des apprentis journalistes qui diffusent des vidéos sans vérifier leur contenu, sans en mesurer les conséquences, et probablement pour servir quelques intérêts obscures; et ceux qui sont censés diriger momentanémment ce pays et dont le silence est insupportable face à la montée de la violence.
Les plates excuses du ministère de l'intérieur n'ont fait que renforcer l'impression de son incapacité - ou bien son absence de volonté? - à contrôler d'une part la brutalité d'une police encagoulée et qui agit toujours de façon arbitraire et en toute impunité, et d'autre part les jeunes casseurs qui pillent et saccagent tout sur leur passage, profitant de ces moments d'instabilité pour renforcer l'impression de chaos.
Tout porte à croire que la diffusion de ces vidéos et leurs conséquences relève d'une opération réfléchie et
plutôt bien préparée par une ou plusieurs parties qui n'avaient pas intérêt à laisser les urnes redéfinir la répartition du pouvoir en Tunisie. Plus que les hypothèses avancées par M. Rajhi qui circulaient déjà sur le net et dans les cafés bien avant qu'il ne les divulgue, c'est le modus operandi du scandale qui est interpellant.
Ces paroles sont sorties de la bouche d'un homme qui jouissait d'un fort capital sympathie et sur lequel peu de doute pesait; ont surpris tout le monde la nuit où elles ont été massivement diffusées sur le réseau social qui rassemble pratiquement tous les tunisiens connectés; et à un moment où la campagne politique en vue des élections du 24 Juillet commençait à faire rage et où les négociations du gouvernement de transition avec la haute instance aboutissaient sur la question de l'exclusion des ex-responsables du RCD...
A un moment aussi où l'armée, qui a su rétablir l'ordre après le 14 janvier, est fortement déployée à la frontière avec la Lybie, et juste quelques jours après l'évasion mystérieuse mais apparemment coordonnée de quelques centaines de détenus dans plusieurs villes du pays, comme c'était le cas les jours précédant la fuite de Ben Ali.
Chacun y va de sa théorie pour désigner les coupables : certains disent que c'est le fait d'Ennahdha qui avait besoin de détourner pendant un moment les regards inquisiteurs sur son parti, d'autres pensent que ce sont les "RCDistes" et leurs mercenaires qui se vengent...Ce qui est sûr, c'est que la contre-révolution est bien en marche et qu'elle met en danger la prochaine élection et l'avenir du pays...
Si la déterioration rapide de la situation prouve une nouvelle fois l'extrême fragilité d'un pays en convalescence, ces évènements témoignent surtout de l'irresponsabilité de ceux qui en sont à l'origine : un juge et ex-ministre qui lance de graves accusations devant une caméra sans avoir le courage de les assumer ensuite et qui croit vraiment pouvoir accéder au pouvoir grâce à Facebook; des apprentis journalistes qui diffusent des vidéos sans vérifier leur contenu, sans en mesurer les conséquences, et probablement pour servir quelques intérêts obscures; et ceux qui sont censés diriger momentanémment ce pays et dont le silence est insupportable face à la montée de la violence.
Les plates excuses du ministère de l'intérieur n'ont fait que renforcer l'impression de son incapacité - ou bien son absence de volonté? - à contrôler d'une part la brutalité d'une police encagoulée et qui agit toujours de façon arbitraire et en toute impunité, et d'autre part les jeunes casseurs qui pillent et saccagent tout sur leur passage, profitant de ces moments d'instabilité pour renforcer l'impression de chaos.
Tout porte à croire que la diffusion de ces vidéos et leurs conséquences relève d'une opération réfléchie et
plutôt bien préparée par une ou plusieurs parties qui n'avaient pas intérêt à laisser les urnes redéfinir la répartition du pouvoir en Tunisie. Plus que les hypothèses avancées par M. Rajhi qui circulaient déjà sur le net et dans les cafés bien avant qu'il ne les divulgue, c'est le modus operandi du scandale qui est interpellant.
Ces paroles sont sorties de la bouche d'un homme qui jouissait d'un fort capital sympathie et sur lequel peu de doute pesait; ont surpris tout le monde la nuit où elles ont été massivement diffusées sur le réseau social qui rassemble pratiquement tous les tunisiens connectés; et à un moment où la campagne politique en vue des élections du 24 Juillet commençait à faire rage et où les négociations du gouvernement de transition avec la haute instance aboutissaient sur la question de l'exclusion des ex-responsables du RCD...
A un moment aussi où l'armée, qui a su rétablir l'ordre après le 14 janvier, est fortement déployée à la frontière avec la Lybie, et juste quelques jours après l'évasion mystérieuse mais apparemment coordonnée de quelques centaines de détenus dans plusieurs villes du pays, comme c'était le cas les jours précédant la fuite de Ben Ali.
Chacun y va de sa théorie pour désigner les coupables : certains disent que c'est le fait d'Ennahdha qui avait besoin de détourner pendant un moment les regards inquisiteurs sur son parti, d'autres pensent que ce sont les "RCDistes" et leurs mercenaires qui se vengent...Ce qui est sûr, c'est que la contre-révolution est bien en marche et qu'elle met en danger la prochaine élection et l'avenir du pays...
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