Plus que jamais, la phase de transition que traverse actuellement la Tunisie est décisive pour l’avenir proche et à long terme du pays, et de sa région par extension. L’année 2011 nous dira si la Tunisie aura réussi à consolider les bases d’un nouveau modèle, un modèle qui éviterait aux tunisiens de devoir choisir entre le « bâton » et le « croissant » , qui représentent à ce jour les seuls modes de gouvernance connus dans le monde arabe.
Les informations, les évènements et les décisions du gouvernement actuel, qui ne cessent de s’enchainer à une vitesse phénoménale, rendent difficile toute tentative de prise de recul et d’analyse objective de l’évolution de la situation. Les maladresses et le manque de communication sur certains sujets de la part des intérimaires du gouvernement donnent l’impression qu’ils sont davantage dans l’improvisation que dans le contrôle de la situation. Ceci n’aide pas les tunisiens à avoir plus de visibilité, et créé ainsi une situation de confusion anxiogène.
Les médias et les journalistes, quant à eux, ne représentent toujours pas une source d’informations fiable aux yeux de la majorité, non seulement pour la qualité de leurs prestations qui reste en dessous des attentes, mais également pour la réputation de médias affiliés à l’ancien régime qu'on leur connaît, ou du moins pour leur manque d’indépendance et d’objectivité.
La transition est d’autant plus rude pour la Tunisie que les défis auxquels elle doit faire face durant cette phase sont nombreux, difficiles à relever, mais pas insurmentables.
Réussir la transition démocratique dépendra d’abord de la capacité des nouveaux gouvernants à gérer l’impatience de la rue et à canaliser les manifestations d’un grand nombre de citoyens qui, même s’ils ont des aspirations légitimes dans la majorité des cas, ne peuvent trouver satisfaction immédiate à leurs revendications matérielles, de vengeance, de justice et de réparations de toutes sortes. L’actuel gouvernement n’y arrivera certainement pas seul, et sa capacité à relever ce défi dépendra de son aptitude à travailler en bonne intelligence avec la société civile qui a un véritable rôle d’écoute et d’accompagnement à jouer, le temps que les commissions d’enquête et que la justice jouent leurs rôles respectifs. Il est fort probable que ces phénomènes de surenchère et de déchainement des passions se prolonge dans le temps si les populations ne reçoivent pas de réponses rapides et de nature à les faire patienter.
Le deuxième défi se rapporte à la crise de confiance et de légitimité que rencontre actuellement ce gouvernement de transition, le même qui est sensé entamer le processus de démocratisation du pays par l’organisation d’élections dans les prochains mois. La rue tunisienne a montré à plusieurs reprises, notamment lors de la constitution de la première équipe gouvernementale et de la nomination des nouveaux gouverneurs, qu’elle s'oppose fermement à toute forme de continuité avec l’ancien régime. Pris entre deux impératifs, celui de répondre aux expressions de mécontentement et de relancer la machine étatique pour faire avancer le pays et atteindre son objectif, le gouvernement de transition semble privilégier une approche pragmatique en assumant des décisions qui déplaisent, et qui parfois sont prises un peu trop rapidement pour faire avancer les choses, tout en donnant des gages de confiance par des actions fortes mais qui restent symboliques si elle ne sont pas concrétisées, comme la promesse de dissoudre le RCD ou la ratification de conventions internationales importantes sur le volet des droits de l’homme.
Le troisième défi concerne moins le gouvernement de transition que les (centaines de ?) milliers de personnes qui profitaient d’une façon ou d’une autre de l’ancien régime et qui, du jour au lendemain, se sont retrouvées privées de leur position sociale, de leurs privilèges ou de leur situation de rente. Cette catégorie de personnes, composée de cadres du RCD, de cadres administratifs, d’hommes d’affaires, d’avocats, de juges, de médecins, de cadres associatifs, etc. se tait et fait profil bas pour le moment préférant observer le déroulement des évènements. Ces personnes n’ont à priori rien à gagner d’un changement radical du système politique en Tunisie. La question est de savoir comment vont-ils réagir avec le temps et l’évolution de la situation du pays : vont-ils finir par se «normaliser» ou peuvent-ils resurgir à un moment de crise ou d’instabilité traversé par le pays pour tenter de retrouver leurs avantages perdus? Seul l’avenir nous le dira…
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