10 juillet 2008

BTS et micro-entreprises en Tunisie


Il semble que l’on ait trouvé LA solution pour résorber le chômage des diplômés en Tunisie: le financement des micro-entreprises. Depuis un certain temps, les journalistes nous bombardent continuellement en chiffres pour témoigner de l’accroissement du nombre de projets financés et de la facilitation des modalités d’octroi de crédit.

Ainsi, la Banque Tunisienne de Solidarité (qui devrait au passage supprimer son site mauve et le refaire de nouveau tellement il est mal construit et mal informé) annonce pas moins de 6.272 projets approuvés rien que pour le premier semestre de 2008, soit un peu plus que l’ensemble des projets financés en 2006 (6152 projets) et près de 60% de l’ensemble des projets financés en 2007 (10 282 projets). L’augmentation est considérable.

Avec l’augmentation des financements, on nous annonce aussi la constitution d’une charte de financement des PME, sensée simplifier les procédures et faciliter l’obtention du financement, avec en particulier une mesure (surréaliste ?) de réduction du délai de financement à 20 jours. Mieux encore, si le jeune diplômé est à court d’idées, il a à sa disposition une banque de 1000 idées…Que demander de plus ?

A priori, toutes ces mesures ne peuvent être que bénéfiques. Aider le plus grand nombre de jeunes à créer leurs propres emplois, à défaut d’en trouver un sur le marché est une bonne alternative. Tout cela serait parfait, si la pérennité des emplois créés est assurée. Mais les difficultés rencontrées par les promoteurs des projets sont nombreuses.

Selon L'Étude d'évaluation des mécanismes de financement de la micro-entreprise, qui a été réalisée par une équipe du ministère de l’emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes avec le concours de la Banque tunisienne de solidarité (BTS), et avec l’appui technique de la Banque mondiale :

La majorité des enquêtés, soit 85 %, a eu des difficultés depuis la création ou l’extension des projets. Les difficultés les plus fréquentes se rapportent essentiellement :

Aux fonds de roulement : Parmi les 14.000 projets en activité au moment de l’enquête, et pour près de 6.200 promoteurs, la difficulté la plus mentionnée est celle relative à l’insuffisance des fonds de roulement.

À la concurrence : Elle est plus intense dans les régions les plus urbanisées où les activités similaires à celles financées par la BTS sont suffisamment développées.

Au manque de clients : Près de 4.800 promoteurs des projets fermés, soit 55 % du total, avaient cité en premier lieu cette difficulté.

Au loyer élevé.

Aux prix des matières premières.

Le rapport conclue que les projets initiés restent marqués par le faible volume d’investissements, par leur caractère souvent répétitif et peu innovateurs. Il faudrait selon les auteurs un meilleur ciblage des promoteursn favorisant ceux possédant une qualification et des antécédents professionnels.

L’augmentation du nombre des financements depuis le début de l’année 2008 est certes une bonne initiative. Mais ne faudrait-il pas remédier à ces difficultés avant d’augmenter le nombre de projets financés? Ou sommes-nous encore face au dysfonctionnement classique : la quantité avant la qualité et il n’y a que les chiffres qui comptent, comme c’est le cas pour l’éducation ! ??

Car à moins d’allouer à la BTS beaucoup plus de fonds, l’accroissement rapide du nombre de financements pourrait passer par le rétrécissement des crédits alloués à chaque projet. Résultat : des projets sous-capitalisés et le problème du fonds de roulement qui subsiste.

Le secteur d’activité du projet est selon l’étude un autre facteur déterminant dans la survie des projets. Or le critère « secteur d’activité » ne semble pas beaucoup peser sur les décisions de financements. En témoigne la modeste qualité (et forte concentration) du portefeuille d’activités financées par la BTS :

Sept activités parmi toutes celles qui ont été financées par la banque, accaparent 60 % des concours de financement. Il s’agit en l’occurrence des activités d’élevage de vaches laitières, du textile (habillement), de la coiffure, de la menuiserie, du commerce, du bâtiment, des travaux de maintenance et de réparation. Ces activités ont de faibles taux de remboursement se situant en dessous de 40 %. Source

Il faut cependant relativiser ce bilan mitigé : selon l’étude, le taux de survie des nouveaux projets est de 60%, ce qui se rapproche du taux moyen de survie des PME. Le risque est que la BTS se transforme en une véritable usine à crédits en privilégiant le nombre de projets financés à leur qualité, et au risque de voir le taux de survie de ces entreprises chuter...

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