19 septembre 2009

Tunisie : des élections pas comme les autres


Depuis que les élections présidentielles et législatives existent en Tunisie, pourquoi a-t-on toujours eu droit à des plébiscites, avec au final des scores ridiculement hauts à la soviétique, et des partages déséquilibrés entre les différents mouvements politiques?


Il y a d'abord l'hyper-présidentialisation des élections, et des évènements politiques d'une manière générale dans le pays, plaçant le président au dessus de tout, surtout en période électorale. Les partis ont disparu, leurs programmes aussi. On demeure dans une logique de vénération de l'homme, au lieu d'assister à une vraie compétition entre différents programmes de réforme politique. Résultat : le vote et le plébiscite qui en découle ne servent qu'à renforcer le culte de la personnalité présidentielle. Cette personnalisation exagérée du pouvoir efface le reste de la classe politique nationale, et la rend bête et muette. Ce qui explique le vide intellectuel et institutionnel dans lequel le pays continue de sombrer. Et ce qui fait qu'on n'arrive même pas à feindre le jeu démocratique en instaurant le débat et en affichant des scores un peu plus crédibles...

Et puis il y a l'absence d'un contrôle indépendant de la régularité des élections pour limiter le sur-pouvoir présidentiel et celui de son parti-état. La loi tunisienne ne prévoit pas de tels mécanismes pour surveiller et dénoncer les violations et les abus qui peuvent manipuler ou influencer le déroulement et le résultat d'un scrutin. Le conseil constitutionnel est un organe consultatif dépourvu de pouvoir de sanction. Quant à l'observatoire des élections, dont les membres sont désignés par le président lui même, il n'est là que pour servir la campagne du président sortant : quand on sait que 9 membres de cet observatoire sur les 14 qui ont "surveillé" les élections de 2004 ont été reconduits dans leur mission pour les élections de 2009, on ne peut franchement pas s'attendre à des miracles pour les prochaines échéances...

A quelques jours du début des compagnes présidentielle et législative, la routine électorale est donc on ne peut plus pesante. Nos médias continuent à verser dans l'auto-glorification et à reproduire les mêmes mythes fondateurs du Changement : pluralisme et démocratisation graduelle, croissance économique, émancipation de la femme, modération religieuse et modèle social équilibré. Mais ce qui différencie cette échéance électorale des précédentes, c'est que ce discours officiel entendu et ré-entendu n'a jamais été aussi éloigné de la réalité du pays. L'économie est en crise, le chômage ne cesse d'augmenter malgré toutes les mesures de sauvetage de l'emploi, la corruption est endémique et contribue au renforcement des inégalités entre classes sociales, la femme tunisienne se cherche encore, et la religion est devenue le refuge de tous les soucis. Quant à la démocratisation, elle se fait au rythme des autorisations et des quotas attribués par le président à ses opposants...

Face à un tel gouffre entre les paroles et les faits, c'est l'équilibre social du pays qui se trouve menacé. Les évènements du bassin minier (2008) ont démontré l'extrême fragilité de cet équilibre. Les évènements de Soliman (2007) aussi. Si l'étau de l'oppression continue de se resserrer, l'ordre contrôlé peut faire subitement place au désordre et aux conflits violents. La Tunisie a besoin d'avancer, aujourd'hui plus qu'à tout autre moment...

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